(23)
On peut rapprocher notre affirmation, d'un bilan que dresse MarcDurand
in: "Recherches en E.P.S.: bilan et perspectives". Ouvrage collectif sous
la direction de: Chantal Amade-Escot, Jean-Pierre Barrué, Jean-Claude
Bos, Françoise Dufour, Marcel Dugrand, André Terrisse. Edition:
Revue E.P.S., mars 1998. Première partie: "bilans et orientations
scientifiques", "efficacité, expertise et expérience en enseignement:
réflexion méthodologique et théorique". Page: 43:
"En
premier lieu, ces travaux constituent une approche "a-théorique":
après plus de deux décennies de recherche, aucune théorie
de l'enseignement et de l'efficacité en enseignement n'est actuellement
disponible. Ceci peut s'expliquer par l'orientation béhavioriste
ou néo-béhavioriste des recherches centrées sur le
recueil de faits davantage que sur l'identification et la conceptualisation
des mécanismes et des processus…Cette absence de théorie
rend impossible une approche expérimentale stricte, avec possibilité
de falsification des hypothèses alors même que ces travaux
s'inscrivent dans une épistémologie de type empirico-formel
exemplaire des positions de Popper (1960)." Nous ne sommes que partiellement
d'accord avec Marc Durand sur ce point. En effet, nous pensons que si il
a raison d'affirmer qu'à l'heure actuelle il n'y a aucune théorie
de l'enseignement et de l'efficacité en enseignement de disponible
pour l'E.P.S., nous défendons au contraire les hypothèses
suivantes au sujet des raisons de cette absence:
H1: "c'est
précisément parce que les méthodes de recherche en
didactique de l'E.P.S. ne s'inscrivent pas exactement dans le modèle
de Popper qu'elles ont échoué jusqu'à présent
dans leurs objectifs."
H2: "c'est
parce que les méthodes de recherche en didactique de l'E.P.S. s'inscrivent
dans le modèle des programmes de recherche de Lakatos qu'elles ont
échoué jusqu'à présent dans leurs objectifs.
Ces programmes n'ont pas permis la formulation de théories suffisamment
riches en contenu et ouvertes à des procédures systématiques
de falsification."
H3:
"mais l'objet (ou les objets !) même de l'E.P.S., sujet aux changements
de définitions et de formulation, au grès des injonctions
institutionnelles, serait du fait de ces changements, incompatible à
l'application d'une méthodologie systématique comme c'est
le cas, par exemple, dans les sciences de la Nature."
H4: "c'est
donc une illusion de prétendre que l'on pourra un jour parvenir
à l'édification de théories efficaces de l'enseignement
de l'E.P.S. si d'une part, nous considérons que son objet ne peut
être définitivement fixé (puisque l'E.P.S. se donne
par exemple comme projet d'assumer des objectifs tels que: "éducation
à la citoyenneté" qui sont le reflet de l'identification
de tendances particulières sur des problèmes sociaux)
, et si d'autre part il est impossible d'appliquer dans les méthodes
de recherche, la méthode de toutes les sciences, c'est-à-dire
celle développée par Karl R. Popper."
(24) Marc Durand. In: "Recherches et pratiques des A.P.S.". Dossier E.P.S. n°28. "Recherches en enseignement et formation des professeurs d'éducation physique et sportive". Page: 83.
(25) Voir note précédente, du même auteur, page: 82.
(26)
On pourra se référer, à ce sujet, à:
Michel Laurent et
Jean-Jacques Temprado. In: "Recherche et pratiques de A.P.S." . Dossier
E.P.S N°28 . Edition: Revue E.P.S. "Apprentissage et contrôle
du mouvement dans les A.P.S. Quelle(s) théorie(s) pour quelle(s)
pratique(s) ?. Pages : 67 à 76.
Jean-Pierre Famose.
In:. Cf. précédemment. "Les recherches actuelles sur l'apprentissage
moteur." Pages : 85 à 106.
(27)"Mon idée, c'est qu'il n'y a pas d'observation qui ne soit liée à un ensemble de situations typiques, de régularités – entre lesquelles elle essaie de trancher; Et nous pouvons même, je pense, aller plus loin: il n'y a aucun organe des sens auquel des théories anticipatrices ne soient génétiquement incorporées. L'œil d'un chat réagit selon des modalités distinctes à un certain nombre de situations typiques pour lesquelles il existe des mécanismes qui sont tout prêts et incorporés dans sa structure: ils correspondent aux situations biologiquement les plus importantes entre lesquelles il doit faire la distinction. Ainsi la disposition à faire la distinction entre ces situations est-elle incorporée dans l'organe sensoriel et, avec elle, la théorie qui désigne ces situations, et elles seules, comme les situations pertinentes que l'œil a pour fonction de distinguer." In: Karl R. Popper. "La connaissance objective." Edition: Aubier. 1991. Chapitre 2. Section 18: "Toute connaissance, y compris nos observations, est imprégnée de théorie." Pages: 134 à 135.
(28) Le "faillibilisme critique", notion développée par Karl R. Popper, implique que c'est l'analyse critique et objective de nos erreurs qui nous permet d'améliorer nos théories, et par conséquent nos connaissances sur le monde. Par rapport à cette prise en compte de l'erreur comme source d'information essentielle pour le progrès de la connaissance (voire également pour le progrès dans l'apprentissage d'habiletés motrices), nous aimerions proposer les hypothèses suivantes à propos de l'évaluation des élèves dans le cadre de projets pédagogiques d' E.P.S.:
H1: "il y a une régularité manifeste dans les pratiques
d'évaluation certificative des enseignants d'E.P.S. dans leurs projets
pédagogiques: elles fonctionneraient sur deux modes:
- d'abord un
mode négativiste: les situations d'évaluation
certificative sont en fait des tentatives de réfutation des apprentissages
des élèves, parce qu' elles visent toujours à créer
des situations suffisamment sévères et objectives pour "mettre
à l'épreuve" les acquisitions réalisées par
les élèves. (Même si à l'origine l'intention
est de "vérifier" plutôt que de "réfuter").
- puis
sur un mode positiviste: la "vérification" du "savoir"
est réalisée en comptabilisant (à l'aide, d'un nomogramme,
d'un indice d'efficacité, etc.) le nombre de conduites typiques
de la réussite. S'établit alors ce qui est, selon nous, une
illusion: celle d'avoir "vérifié" un "savoir" c'est-à-dire
une connaissance absolument certaine parce que "vérifiée"
dans tous les cas (c'est faux et logiquement impossible), ou alors
une connaissance au taux de confiance (ou de probabilité) très
élèvé (rapporté à l'infinité
des situations futures dans laquelle ce "savoir" n'a pas encore été
testé, cette probabilité est égale à zéro).
H2: "il y a une asymétrie* entre tenter de "vérifier" l'acquisition d'une compétence ou d'une habileté dans une situation d'évaluation, et tenter de "réfuter" cette acquisition: on ne parvient jamais à "vérifier", mais on peut s'accorder (les élèves, le professeur, l'institution) sur des conduites typiques, qui, si elles sont observées lors de l'évaluation, peuvent constituer des "réfutations" d'un niveau d'habileté ou de compétence. (Exemple: les élèves n'ont pas acquis un mode de respiration adapté pour le crawl si et seulement si on observe, une seule fois, ou cours d'un parcours de 25 mètres, que l'élève évalué tourne son visage vers l'avant, tête hors de l'eau, avant de remettre la tête dans l'eau après une inspiration).
H3: "il n'est pas possible de vérifier un "savoir"(on a déjà observé que des pratiquants de haut niveau dans une A.P.S., fassent des "erreurs de débutant", lorsque par exemple, la pression psychologique est accrue par l'enjeu). Il est faux, d'un point de vue logique, de s'accorder sur les "vérifications" plutôt que sur une réfutation. Il n'y a aucun savoir à construire, bien que "le savoir" puisse constituer une idée directrice indispensable pour l'amélioration incessante des connaissances. La distinction si souvent faite entre les savoirs et les connaissances dans notre discipline (certains vont même jusqu'à s'indigner que le terme de "savoir" n'apparaisse pas dans de nombreux cas), est inutile et sans fondement. Tout ce que pourrait alors dire un élève à la suite d'une évaluation réussie, c'est que le cycle d'A.P.S. lui a permis d'acquérir des connaissances qui n'ont pas été réfutées par l'évaluation certificative, et que ces connaissances, si elles lui permettent de réussir à un certain niveau (et prennent de ce fait les apparences d'un "savoir") seront réfutées (parce qu'incomplètes ou inappropriées) pour un niveau supérieur. (Exemple 1: certaines modalités de circulation collective du ballon en basket-ball, valables pour un niveau 1 dans une situation de référence adaptée, seront réfutées pour un niveau 2, notamment par la modification de certains paramètres relatifs à la logique interne du basket-ball dans une autre situation de référence. Exemple 2: courir en maîtrisant la régularité de l'allure de course est utile à l'élève pour un niveau 1 d'apprentissage en course de durée, mais ne permet pas de gagner nécessairement une course à un niveau supérieur).
H4: "une des conséquences possible de H3 est que les projets
pédagogique d'E.P.S., doivent, dans leurs modalités d'évaluation,
être orientés par les erreurs, et par voie de conséquence
par les problèmes les plus urgents concernant les élèves,
lesquels ne peuvent être résolus qu'à l'aide d'une
méthode fragmentaire."
*Pour cette notion
d'asymétrie nous nous référons à: Karl R. Popper.
In: "Les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la
connaissance." Edition: Hermann. 1999. Chapitre 10. Section 37: "Symétrie
ou asymétrie dans les évaluations des lois de la nature ?".
Page: 268. Section 38: "L'évaluation négative des propositions
universelles. Critique de l'interprétation strictement symétrique
des pseudo-propositions." Page: 271.
Un "savoir-faire" sur le plan de la motricité
sportive supposerait que le sujet soit capable de reproduire avec n'importe
quel degré de précision donné à l'avance (c'est
déjà impossible compte tenu des limites de notre appareil
sensoriel) un même geste sans la plus infime modification (nous ne
saurons jamais exactement ce que l'on peut entendre par "infime"). Voilà
déjà un premier argument qui pourrait, logiquement, réfuter
le fait même que nous "sachions marcher" (la meilleure preuve de
ceci est qu'il peut toujours nous arriver de trébucher, même
en l'abscence d'obstacle sur notre chemin), parce qu'il nous est impossible
de reposer un même pied exactement de la même manière.
Il ne peut y avoir aucun instrument de mesure et d'observation, aucune
valeur étalon qui puisse être considérée comme
définitive, puisque ces instruments dépendent de théories
scientifiques, c'est-à-dire d'hypothèses (certes extrèmement
bien corroborrées !). Un autre argument consécutif
du précédant repose sur le fait que nous ne saurions mesurer
ou même dire, s'agissant de l'apprentissage
d'une A.P.S., qu'elle est la plus petite modification
d'un événement comportemental (A) capable d'influer sur la
modification d'une classe d'événements comportementaux (B).
Par exemple, pouvons-nous être assurés que tout ce qui pose
des problèmes de propulsion à un nageur de crawl, n'a pas
en fait son origine dans un infime réglage (timing ?) de la
respiration et/ou de l'équilibration. Ainsi, toutes les solutions
trouvées de même que tous les paramètres déterminants
lors de l'apprentissage d'activités motrices complexes, ne peuvent
être entièrement contrôlées par l'apprenant
: il lui est impossible, dans son propre processus d'apprentissage de contrôler
toutes les "parties", toutes les classes et sous-classes d'événements
comportementaux qui jouent un rôle dans la modification future de
son propre comportement.
Certes, il ne viendrait à l'esprit de personne de dire que le nageur
Alexander Popov, ne "sait" pas nager, ou qu'un individu arrivé en
âge de marcher ne "sait" pas marcher sous prétexte qu'il lui
arrive de trébucher. Cela ne nous viendrait pas à l'esprit
parce qu'il est plus qu'évident que les connaissances pratiques
de Popov en matière de natation sont proches de la perfection
!
Ou parce que cet individu en âge de marcher pose et repose ses pieds
avec un équilibre et une régularité quasi-parfaite
(...). Dans le langage courant il est évidemment bien plus commode
dans
certaines circonstances d'utiliser le verbe
"savoir" que le verbe "connaître", et nous les utilisons le plus
souvent sans nous soucier des différences de sens entre les deux
concepts auxquels ils renvoient.
Le sens commun nous donne à penser, à bon droit, que
Popov "sait" nager ou qu'untel "sait" marcher. Mais si l'on veut pousser
le réalisme aussi loin que possible dans l'étude
des faits, (par exemple dans le cadre
d'un programme de recherche scientifique) et
si en plus de cela nous prenons en compte une distinction entre "savoir"
et "connaissance", alors, l'on s'aperçoit comme l'a montré
Popper que la théorie de la connaissance du sens commun mène
à des connaissances qui ne peuvent que se révéler
fausses (puisque même un nombre important de cas observés,
ne peut jamais permettre de croire qu'une opignon ou une théorie
soit vérifiée dans tous les cas, ou même vérifiée
parce que probablement vraie dans certains cas)
et que la théorie de la connaissance objective, bien que se nourrissant
de la théorie de la connaissance du sens commun, mène
à la construction de connaissances qui transcendent les connaissances
issues du sens commun, voire qui les réfutent, bien que les connaissances
scientifiquement corroborrées ne peuvent qu'être fausses
(même si leur corroborration lors de tests qu'elles passent avec
succès permet aux scientifiques de s'accorder sur une valeur de
vérité
de ses théories) puisque si elles sont scientifiques elles ne peuvent
qu'être des hypothèses, des théories provisoires, et
si elles sont provisoires elles sont nécessairment incomplètes
et ne peuvent être vérifiées dans tous les cas
(du passé, du présent et du futur) ! Et c'est bien l'un des
buts de la recherche scientifique que de permettre de trancher de manière
objective sur des opinions divergentes issues de tentatives de résolution
de problèmes au niveau de la discussion "du sens commun" : lorsque
l'on a compris comment progresse la connaissance scientifique à
l'aide des thèses de Popper, on peut admettre que les connaissances
scientifiques fassent "autorité" sur le sens commun , du
moins tant qu'un élément contradictoire qui pourrait, à
la limite, être révélé par le sens commun, n'a
pas été scientifiquement testé, et n'a pas été
admis
conventionnellement par la communauté scientifique comme réfutant
"l'autorité" de certaines théories. Il est important de souligner
que l'autorité dont nous parlons au sujet des théories scientifiques
corroborrées
(seulement celles qui sont issues d'une longue tradition de tests
intersubjectifs) n'a rien à voir avec une forme quelconque de scientisme,
accusation de ceux qui souvent préfèrent le relativisme
et par voie de conséquence l'autoritarisme puisque pour eux,
la vérité n'étant relative qu'à leur cadre
de référence, ils sont nécessairement enclins à
vouloir l'imposer aux autres cadres de référence concurrents
comme s'il s'agissait d'une vérité objective. Le relativisme
et l'autoritarisme combinés deviennent donc une "méthode"
pour imposer des idées prétendument objectives mais qui souvent
ne sont jamais plus que des idées issues du sens commun ! (le liant
de cette "méthode" consiste aussi à maintenir un halo
obscurantiste autour de son propre cadre de référence
pour le protéger des remises en question : un tel halo ne pouvant
être
maintenu que par une quelconque procédure autoritaire, fut-elle
psychologique...)
Il nous semble utile de préciser, encore une fois, la différence
entre "Savoir" et "connaissance" : "savoir" sur un objet quelconque (par
exemple un objet d'étude scientifique comme peut l'être la
propulsion en crawl) signifie que nous avons construit des connaissances
jugées suffisantes en nombre et en contenu informatif pour nous
permettre d'arrêter la recherche. Cela veut dire que nous avons atteint
la vérité définitive, et ce de manière certaine
(bien que l'on puisse considérer, à tort, que la vérité,
puisse être "probable") sur tout ce qui concerne la propulsion
en crawl (pour le passé, le présent, et le futur..). Si Popov
ou un autre sportif de haut niveau, quelque soit sa discipline, venait
à considérer ses connaissances acquises comme définitivement
assurées parce que lui permettant de réussir (de prédire
un certain niveau de performance) avec un niveau de probabilité
"acceptable", s'il n'était, au contraire, attiré
par des faits ou des hypothèses relatifs à sa technique réfutant
potentiellement cette "acceptabilité acquise", alors
il pourrait définitivement s'arrêter de s'entraîner,
pensant que son niveau actuel sera toujours suffisant pour contrer la concurrence
dans le futur. C'est donc bien la conscience du caractère
faillible ou incomplet de l'acquis (qui n'est donc pas un Savoir) qui attire
l'individu sportif à toujours essayer de repousser ses limites et
qui rend signifiant l'apprentissage. "Connaître" signifie
que nous possédons, certes, des théories explicatives très
fortement corroborrées par une longue tradition de tests intersubjectifs
logiquement relatifs (déduits) les uns aux autres et toujours
plus sévères, mais que ces théories, puisqu'elles
possèdent un réel contenu, demeurent toujours falsifiables
(réfutables), c'est-à-dire qu'elles sont ouvertes à
la possibilité d'une démonstration de leur incomptétude,
de leur fausseté. On comprend donc, que le "Savoir", n'est utile
qu'en tant qu'idée directrice pour construire des connaissances
de mieux en mieux déterminées, et que nous ne l'atteignons
jamais. On comprend également que les seules choses que nous
puissions apprendre ce sont des connaissances. Certes Matt Biondi
(A)"sait nager", mais Popov(B) "sait mieux " nager que lui puisqu'il
a battu son record du monde et le fait de pouvoir dire que B "sait mieux"
nager que A démontre, d'une part, que si nous utilisons le
verbe "savoir" de façon erronnée, ce n'est que parce qu'il
est plus commode de dire "il sait mieux nager", et, d'autre part,
que Matt Biondi possèdait des connaissances pratiques en crawl très
proches de la perfection...mais pas aussi proches de la perfection que
celles de Popov.
On objectera finalement, que nos arguments sont quelque peu tirés
par les cheveux. Dans ces conditions, alors, nous sommes dans le droit
de dire que cette distinction entre connaissances et savoirs est vraiment
futile et qu'il n'y a rien de sérieux à dire ou à
écrire à son sujet.
Nous
rappelerons encore que ce qui nous incite à critiquer cette notion
de "Savoir" dans le domaine de l'E.P.S., c'est cette distinction entre
savoir et connaissance, faite institutionnellement et culturellement (cf.
Paul Goirand). Si une distinction doit être faite, c'est que l'on
ne doit pas parler de la même chose en ce qui concerne l'un ou l'autre
de ces deux concepts.
Que cette distinction est sensée avoir
des conséquences d'un point de vue pragmatique dans la conception
et la mise en oeuvre des projets pédagogiques (car si cette distinction
était vaine, c'est-à-dire sans aucune retombée pragmatique,
on pourrait la reléguer au rang de verbiage inutile). Si l'on
doit donner un sens particulier à chacun de ces termes afin qu'ils
aient une certain rôle pragmatique dans le domaine de l'E.P.S., quitte
à ce que ce déplacement de sens soit contradictoire avec
le sens qui est traditionnellement et objectivement donné à
ces termes, alors c'est que le sens que nous leur donnons en E.P.S. est
faux. Et c'est pour rappeler l'éventualité d'un tel risque
(se perdre à nouveau dans des arguties sur la terminologie)
que nous nous sommes servi de l'éclairage de la philosophie de la
connaissance de Karl R. POPPER. (Nous pensons
que la distinction faite entre connaissance et savoir consistant à
dire que la connaissance est l'acte et le savoir le résultat de
l'acte ne peut que conduire à une confusion entre apprentissage,
d'une part, et connaissance ou savoir d'autre part. En effet, nous considérons
que c'est bien l'apprentissage qui est "l'acte" qui mène soit à
l'acquisition de connaissances soit de savoirs, mais ça, nous le
contestons : nous ne pouvons pas acquérir des savoirs, mais seulement
des connaissances).
(29)
"L'erreur caractéristique des rationalistes constructives est, (...),
qu'ils ont tendance à fonder leur raisonnement sur ce qui est appelé
l'illusion synoptique, c'est-à-dire sur cette fiction que tous les
faits à prendre en considération sont présents à
l'esprit d'un même individu et qu'il est possible d'édifier,
à partir de cette connaissance des données réelles
de détail, un ordre social désirable. Parfois l'illusion
est exprimée avec une naïveté désarmante part
les enthousiastes d'une société délibérément
planifiée ; tel celui qui rêve de développer «
l'art de la pensée simultanée : l'aptitude à manier
une multitude de phénomènes connexes dans le même instant,
et de composer en un seul tableau à la fois les attributs qualitatifs
et les attributs quantitatifs de ces phénomènes ».
Ils paraissent ne pas s'apercevoir le moins du monde que ce rêve
suppose tout simplement résolu le problème central que soulève
tout effort pour comprendre ou pour modeler l'ordre de la société
: notre incapacité à rassembler en un tout assimilable toutes
les données qui entrent dans l'ordre social. Quoi qu'il en
soit, tous ceux que fascinent les beautés des plans issus
de cette façon de voir, parce qu'ils sont « si ordonnés,
si lisibles, si faciles à comprendre », sont les victimes
de l'illusion synoptique et oublient que ces plans doivent leur apparente
clarté au mépris délibéré du planificateur
pour tous les faits qu'il ne connaît pas."
Friedrich
A. Von HAYEK. In : "Droit, législation et liberté." Tome
1. Chapitre 1 "Raison et évolution." Pages 16-17. Edition
: Presses universitaires de France. Collection : Quadrige. 1° édition.
Paris, octobre 1995.
Le moins que nous
puissions dire c'est qu'il est tentant d'essayer de transposer ou
d'appliquer les positions de Hayek ci-dessus à diverses problématiques
concernant l'E.P.S. comme certaines procédures d'évaluation
couramment utilisées par les enseignants. En effet, ne voit-on pas
proliférer depuis quelques années, ces fiches d'évaluation
multi-critériées et qui ont pour ambition de pouvoir rendre
compte de la conduite motrice observée ou évaluée
avec le maximum de fidélité par rapport au réel ?
(Empressons-nous de dire que nous utilisons nous-mêmes et depuis
longtemps de tels procédés...mais compte tenu de la "formation"
que nous avons subie, qu'aurions nous pu faire d'autre ?! Nous voulons
dire que nous prenons conscience qu'une pensée unique au sujet des
modalités d'évaluation à utiliser avec les élèves
nous a été inculquée, et qu'il est bien difficile
de s'en émanciper). Ne sommes-nous pas tentés de poursuivre
l'utopie de "l'anticipation totale de l'interaction professeur-élève-contenu"
lorsque nous élaborons certaines grilles de séance ?...Ne
sommes-nous pas "poussés" à produire de telles anticipations
qui soient toujours plus "ordonnées, lisibles et faciles à
comprendre" ? Est-ce la programmation de l'enseignement, et son évaluation
en didactique de l'éducation physique et sportive n'est pas totalement
immergée dans une illusion : l'illusion synoptique dont nous parle
le Prix Nobel d'économie ?
Voilà peut-être
un objet de recherche intéressant. Cet objet de recherche suppose
le problème suivant que nous formulons ainsi :
"Est-ce que
dequis les intructions officielles pour les Collège de 1987, les
pratiques de conception des projets d'enseignement et leur évaluation
en didactique de l'E.P.S. ne sont pas toutes déterminées
par l'illusion synoptique ?"