"Dynamique locale", action pédagogique fragmentaire et stratégie d'enseignement :


          Un projet pédagogique d'E.P.S. "fragmentaire", devrait permettre d'identifier une "dynamique locale" caractéristique de l'établissement en E.P.S.(une définition des principaux problèmes urgents au sujet des élèves, interprétables en besoins de formation dans le cadre de l'E.P.S.; cette définition se différenciant des "régularités problématiques" évoquées dans la partie précédente). C'est cette dynamique locale, définie par les enseignants en relation avec le projet d'établissement,  qui pourrait justifier l'existence du projet pédagogique d'E.P.S. Mais c'est une illusion de prétendre "définir" (dans le sens de limiter par des conclusions ou des énoncés explicatifs non susceptibles d'être révisés, ou irréfutables (30)), une "dynamique (31)" qui se veut être soumise au changement et dont on ne peut raisonnablement prédire l'évolution puisqu'il n'existe pas et ne peut exister aucune loi de l'évolution (sociale). "Formaliser" une dynamique dans ce sens-là revient tout simplement à jouer les prophètes ou les astrologues de l'évolution sociale dans un établissement scolaire en oubliant que les tendances que l'on peut temporairement repérer ici ou là (et qui ne se reproduisent jamais à l'identique), peuvent, certes, influencer le jugement et guider certaines interventions, mais ne sont pas des lois qui permettraient de figer des objectifs d'enseignement pour une période indéterminée  et considérer qu'ils sont invariablement utilisables sans la moindre modification dans leurs énoncés.Nous en sommes donc à jamais réduits à un activisme à la traîne derrière la "dynamique locale", et tout ce que l'on peut faire c'est tenter de traiter au coup par coup les évènements particuliers, les difficultés particulières qui constituent à posteriori une  dynamique locale particulière : celle lue à l'aide de théories qui ont permis de sélectionner les problèmes qui la caractérisent. C'est uniquement dans ce sens que nous pouvons l'identifier et agir. L'action pédagogique collective en E.P.S. pour une année scolaire pourrait être alors, la somme de tous les projets à court terme que les collègues ont tenté, soit seuls, soit en groupe (mais toujours en référence à des normes communes d'évaluation écrites et discutées à l'avance) accompagnés de leurs évaluations respectives des résultats. Dans ce cas de figure, les enseignants, guidés par une réflexion mettant en relation des énoncés sélectionnés dans les sources d'informations suivantes:
    - les programmes nationaux,
    - le projet d'établissement (qui énonce des problèmes locaux au sujet des élèves sans nécessairement distinguer les disciplines d'enseignement),
    - les énoncés de problèmes locaux concernant les élèves en E.P.S; peuvent formuler un ou plusieurs problèmes significatifs pour des élèves particuliers (exemple: "les élèves de ces trois classes de sixième, manifestent des comportements relationnels qu'il faudrait modifier dans le sens d'une meilleure écoute des différentes consignes que peut donner le professeur, d'une plus grande attention aux différentes remarques que peuvent faire les autres élèves au sujet du travail en classe, pour finalement améliorer la qualité et la quantité du travail grâce à une meilleure attention, et une meilleure coopération"). Après la formulation d'un problème comme celui que nous venons de citer, formuler des buts permettant d'atteindre des effets positifs suffisamment riches en contenu, mais dans un court terme (à cause des difficultés habituelles de motivation et d'investissement des élèves et pour augmenter les chances de réaliser les buts aussi fidèlement que possible) puis sélectionner les A.P.S. propres à "mettre en scène" le plus favorablement possible le problème. La formation des élèves serait arrêtée quand:
    - les progrès des élèves sont jugés insuffisants compte tenu de la durée de formation déjà écoulée; il est alors préférable de modifier partiellement les objectifs de départ ou les critères de réussite. Ou alors d'arrêter complètement la formation pour ne pas risquer d'altérer la crédibilité de l'action pédagogique en s'obstinant à poursuivre des buts qui ont perdu du sens pour les élèves.
   - les progrès des élèves sont jugés satisfaisants en regard de la durée de formation estimée à l'avance. Ces progrès permettent alors de confronter les élèves à une autre classe de problèmes plus proches de ce qui est exactement requis au niveau des programmes E.P.S. nationaux.
 
        Dès lors, la question que nous nous posons est de savoir quelle peut bien être la stratégie d'enseignement la mieux appropriée dans le cadre d'une intervention didactique dite "fragmentaire" ? Nous répondrons à cette question à partir de l'exemple général qui suit :
        Concernant le passage d'une certaine classe de problèmes, comme celle que nous avons décrite précédemment par exemple et que nous nommerons (A), à une classe de problèmes suivante, (celle où comme nous l'avons précisé, les élèves seraient confrontés à des problèmes plus conformes aux contenus des programmes nationaux), que nous nommerons (B), nous conjecturons que la meilleure stratégie d'enseignement   pourrait consister à proposer aux élèves des situations dans lesquelles ils seraient obligés d'utiliser les connaissances acquises en (A), en les réfutant c'est-à-dire en prenant conscience (bien que rien ne nous permette d'affirmer, à notre connaissance, si ce genre d'apprentissage, par "refutation",  nécessiterait en toutes circonstances l'intervention de la prise de conscience), lors d'une tâche motrice spécifique, que les pouvoirs perceptivo-moteurs, ainsi que les diverses connaissances procédurales acquis au niveau de (A), deviennent insuffisants et n'étaient donc pas des "savoirs", pour résoudre les problèmes représentatifs de la classe de problèmes de niveau (B), donc pour accéder aux connaissances du niveau de (B). Si les élèves réussissent le passage de (A) à (B), et toujours dans la perspective de nouveaux progrès ou de nouvelles améliorations, la validation des nouvelles connaissances acquises en (B), ouvre nécessairement à l'élève, l'accès à de nouveaux pouvoirs, de nouvelles utilisations, inédites, de ses nouveaux pouvoirs, donc à une nouvelle classe de problèmes, que nous nommerons (C). Cette stratégie d'enseignement, et le processus d'apprentissage qu'elle veut impliquer, ne semblent pas tellement différents, dans leur nature de ce que nous connaissons déjà, dans la profession,  en matière de théorie de l'apprentissage. En fin de compte, l'apprentissage, consisterait en un "déplacement du niveau de problème" de (A) à (C) (Lakatos, Popper), lequel n'aboutirait  jamais à la construction de savoirs, c'est-à-dire de connaissances définitives et absolument certaines, même si une fois reconnues comme acquises, les connaissances du niveau de (A) pour parvenir à (C), pourraient étre considérées comme non problématiques, c'est-à-dire n'appartenant pas à la classe de problèmes sur laquelle doit porter une tentative de "réfutation" par l'enseignant (traduite par une tâche d'apprentissage pour les élèves) lequel jugerait plutôt (B) comme problématique. En effet, une erreur, toujours possible dans l'exécution d'une tâche du niveau de (B) ou de (C),  pourrait se révéler être du niveau de (A), et motiver  l'élève, ou le sportif de haut niveau, à "revoir ses fondamentaux"(vers un exemple).   Ce que nous venons d'avancer, n'a, à nos yeux, que valeur de simple conjecture  (comme du reste la plupart des thèses développées dans cette réflexion. Tout au plus, trouvera-t-on, intuitivement, une quelconque analogie avec le fameux processus d'équilibration de Jean Piaget). Car il faudrait démontrer comment procède cette "réfutation" des apprentissages (en examinant, par exemple, dans quelle mesure elle nécessite la prise de conscience) dans le cadre d'apprentissages spécifiques à l'E.P.S., dans des conditions réelles d'apprentissage moteur : est-ce que lorsque l'élève parvient à reconnaître comme fausse l'ancienne représentation qu'il avait de son geste lors d'une conduite motrice, cette transformation d'obord cognitive entraîne nécessairement la facilitation d'une transformation au niveau de la conduite motrice elle-même ? Mais, reconnaissons-le, cette problématique, outre le "nouveau" terme de "réfutation" est quand même très proche des problèmatiques relatives à l'apprentissage déjà connues.

        Nous avons voulu souligner à travers l'exemple donné plus haut, que habituellement, les problèmes réels que posent les élèves dans un établissement, peuvent ne pas correspondre tout à fait aux problèmes archétypiques qu'on aimerait leur poser (par exemple en regard des programmes, de la logique des A.P.S.). Et il serait souvent nécessaire de passer du temps de formation à résoudre en priorité les problèmes qui empêchent justement de confronter les élèves à ceux préconisés par les textes officiels (ceci nous paraît particulièrement valable dans les établissements dits "difficiles"). En effet, nous ne croyons pas qu'il suffit de faire pratiquer le hand-ball ou un autre sport collectif pour que tous les problèmes d'écoute et de coopération se résolvent comme par enchantement, il faut d'abord "placer les élèves en face du problème" de la coopération et le "mettre en scène" dans les A.P.S. (qui ne seront pas obligatoirement les sports collectifs) où il sera le plus évident possible pour eux que nous sollicitons cette coopération.
Enfin, nous ne pensons pas qu'une succession de cycles d'A.P.S. constitue obligatoirement une mise en œuvre fragmentaire du projet pédagogique d'E.P.S. si:
    - on prétend traiter un problème dont la richesse de contenu logique ne peut être maîtrisée sur toute une année,
    - on "force" les élèves à se confronter à des problèmes "archétypiques" (qui ne sont pas les leurs actuellement) sans se préoccuper de ce qui pourrait améliorer, par exemple, leur bien-être relationnel (je pense aux classes de 6ème; dans lesquelles nous rencontrons souvent des élèves qui ont des difficultés énormes à s'affirmer et à s'intégrer). Les énoncés de problèmes à résoudre qui sont formulés dans les programmes, prennent tout simplement le pari  que cela doit convenir à la majorité des enfants et ce pour une période indéterminée. Nous ne voulons pas dire qu'ils sont utopiques, mais que nous devons avoir l'audace de considérer que dans ne nombreux cas ils seront sans doute réfutés.
 

Suite
Plan de l'article
Notes