Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.Psychanalyse. Epistémologie.
DE LA PSYCHANALYSE A L' IMPOSTURE ÉPISTÉMOLOGIQUE.

Vous trouverez dans le texte ci-dessous, ce que nous jugeons être une entreprise de désinformation épistémologique pour tenter d'asseoir une quelconque validité de la psychanalyse. Avant de lire le texte ci-dessous, entrecoupé de nos critiques qui figurent en bleu, il serait plus que souhaitable de le lire sans nos critiques, en entier à l'adresse url suivante : http://perso.club-internet.fr/tuyau/Psychanalyses/epistemologi.htm .

Une citation avant de commencer votre lecture, en guise de rappel :

"Il n'y a point de meilleur moyen pour mettre en vogue
          ou pour défendre des doctrines étranges et absurdes, que de les munir d'une légion de mots obscurs, douteux et
          indéterminés. Ce qui pourtant rend ces retraites bien plus semblables à des cavernes de brigands ou à des
          tanières de renards qu'à des forteresses de généreux guerriers. Que s'il est malaisé d'en chasser ceux qui s'y
          réfugient, ce n'est pas à cause de la force de ces lieux-là, mais à cause des ronces, des épines et de l'obscurité
          des buissons dont il sont environnés. Car la fausseté étant par elle-même incompatible avec l'esprit de l'homme,
          il n'y a que l'obscurité qui puisse servir de défense à ce qui est absurde". (John LOCKE, cité par Jacques
          BOUVERESSE in: "Prodiges et vertiges de l'analogie". Édition: Éditions raisons d'agir. Paris, octobre 1999).
 
 

Voilà qui peut s'appliquer parfaitement, selon nous, à ce qui va suivre.


 




le mot de la fin...
 
 
 
 
 

Patrice VAN DEN REYSEN
 
 
 
 
 
 

C'est à partir d'une "comparaison" avec la science, maintenant, que l'on pourra évaluer la capacité de la psychanalyse à se penser comme discipline autonome, et quel sens donner à cette autonomie. Le risque est d'inclure sagement la psychanalyse au sein de la pensée philosophique en général si l'on s'en tient à une définition positiviste et même plus largement épistémologique de la science.

On trouve ici, le refus de s’inscrire dans une tradition critique déjà existante, et les prémisses d’une tentative de justifier pouvoir y échapper. En effet on ne peut rien espérer d'original, sinon de plausible, d'une association de principe science/psychanalyse orchestrée par la philosophie ou l'épistémologie. " On ne peut rien espérer de plausible ". Voilà posé le postulat de base duquel sera déduit la démonstration de la possibilité d’éliminer toute lecture épistémologique de la psychanalyse, par une épistémologie objective, et le remplacement de cette tradition par la justification d’une épistémologie relative à la psychanalyse dont elle pourrait elle-même dicter les lois. Les textes montrent que la psychanalyse pense fort bien son rapport avec la science ou les sciences sans l'aide d'une épistémologie dont elle souligne par ailleurs les limites. La psychanalyse prétend disposer, en elle-même, d’assez de ressources théoriques (sortie du Néant !) pour se penser épistémologiquement de manière autonome, et même pour " souligner les limites " de l’épistémologie ! On pose ici, de manière arbitraire et dogmatique la psychanalyse en amont de toute pensée critique et logique sans même se douter que la cohérence de ses propres énoncés repose sur la logique et surtout en jetant par-dessus bord le fait qu’au moins historiquement l’épistémologie préexiste à toute psychanalyse. Voilà ce qui est à nouveau posé comme une vérité révélée, sans aucune preuve, que la psychanalyse se situe en amont de tout, y compris de l’épistémologie. S’en suit une énorme contradiction qui consiste à dire que : Pour autant, nous dirons que la psychanalyse ne dispose pas d'un concept suffisant de la science pour espérer lever ses propres limites et difficultés actuelles, qu'on veuille dire son aliénation à la philosophie, ses conflits théorico-institutionnels internes, voire sa difficulté à s'imposer face à des techno-sciences aujourd'hui surpuissantes. C'est paradoxalement une conception plus modeste et plus radicale de la science comme Science (de) l'Un non-philosophique qui peut contribuer à libérer les potentialités théoriques de la psychanalyse ; une science qui peut donc initier accessoirement une théorie non-psychanalytique de la psychanalyse... Ainsi, nous serons amenés à défendre paradoxalement une sorte de scientificité - de "cause" scientifique - de la psychanalyse.

Il s’aperçoit qu’on ne peut, si on veut " défendre " le point de vue selon lequel la psychanalyse serait scientifique, que se placer en dehors d’elle, et disposer de certains critères permettant, de l’extérieur, de la juger comme scientifique ou non. Quitte pour cela, à inventer de toute pièce une scientificité, adaptée, relative, à la psychanalyse, qui lui permettrait, bien sûr d’éviter l’insupportable objectivisme épistémologique de la pensée de Popper, qu’elle cherche bien sûr à dénigrer et à éviter par tous les moyens. L’on s’aperçoit alors que ce genre de scientificité ad hoc n’est rien de plus qu’un point de vue épistémologique fabriqué pour la circonstance et totalement relativiste.
 
 

Sous quelles conditions - pour commencer - une approche épistémologique de la psychanalyse est-elle possible ? Nous disposons à ce jour d'une importante littérature sur ce thème. Au sens classique du mot épistémologie, c'est-à-dire comme étude critique des sciences (Bachelard) ou théorie de la méthode scientifique (Popper), une épistémologie de la psychanalyse devrait confirmer ou au contraire infirmer la scientificité de celle-ci, notamment en critiquant (discernant, précisant) la logique des opérations qui sous-tendent son discours et sa pratique. On oublie, à dessein, de dire qu’une épistémologie consiste aussi à permettre d’évaluer le contenu informatif et explicatif réel de ce qui fait " la consistance discursive " en tentant de critiquer jusqu’à quel point les énoncés scientifiques sont aptes à soutenir leur prétention à correspondre aux faits (critique transcendantale) .Mais, justement, la notion de discours a depuis quelque temps relativisé le seul critère de rationalité au profit de celui de "consistance discursive", ou tout au moins a contribué à dévisser le rationalisme classique d'une position idéologique à l'égard de l'épistémologie. Cette prétendue relativisation du seul critère de rationalité au profit de celui de " consistance discursive ", est contradictoire puisque ce nouveau critère de " consistance discursive " est un critère de rationalité (…). On a donc, en l’occurrence remplacé un critère par un autre du même acabit ? Ce serait ne pas s’apercevoir que, comme nous le disons plus haut, la " consistance discursive ", ou le fait de savoir en quoi un discours, ou un système d’énoncés est consistant, ne peut que renvoyer à l’étude du contenu de ses propres énoncés, c’est-à-dire à l’étude critique de leur prétention à avoir un contenu empirique, d’être donc réfutables, mais aussi à avoir une cohérence logique et d’être logiquement déductibles les uns des autres. Le passage précédant écrit par notre auteur, est donc un cas typique de désinformation épistémologique . Parler d'un "discours scientifique" revient implicitement à reconnaître l'existence d'autres discours comme ayant une valeur et une spécificité propres, (certes…) sans doute pas toujours "rationnelles"; c'est cette spécificité et cette unité de chaque discours que l'on désigne par le terme de "discursivité". On pourra donc se demander s'il existe un "discours analytique" qui réponde à une "discursivité" propre et bien sûr consistante, et quel rapport (de compatibilité ou autre) celle-ci entretient avec la discursivité scientifique. Mais comment peut-on alors critiquer les deux formes de discursivité présentes ? Comment pourra-t-on critiquer et éprouver, de manière indépendante (cela va de soi sinon le type de discursivité dont il est question ici ne pourrait être mis à l’épreuve), l’un ou l’autre type de discursivité si ce n’est à l’aide d’une épistémologie qui ne soit relative ni au discours scientifique (l’auteur fait, semble-t-il un amalgame entre épistémologie " classique " comme celle de Popper et discours scientifique, c’est-à-dire les énoncés scientifiques), ni à cette " discursivité propre et bien sûr consistante " ? Il n’y a qu’un seul moyen : il consiste à se servir de cet outil indépendant qu’est la logique, fondatrice de l’épistémologie poppérienne, et par suite de l’épistémologie classique laquelle ne saurait avoir de validité, de l’aveu même de Popper, sans s’appuyer sur la critique de la tradition antérieure en matière d’épistémologie (une critique de l’inductivisme notamment, puis de l’apriorisme kantien : voir le livre de Popper intitulé " les deux problèmes fondamentaux de la théorie de la connaissance ") et sans refléter le travail réel des scientifiques. (On entend le mot "consistance" par opposition à celui de "complétude", donc au sens de Gödel dont le "théorème de limitation" stipule l'existence d'au moins une expression indécidable au sein de tout système formel interprétable en langage arithmétique.) Qu’est-ce que Gödel vient faire tout à coup ici ? Probablement pour donner une " aura consistante " à la logorrhée précédente…En effet, en quoi le terme de consistance qui renvoie au contenu des théories (contenu logique et contenu empirique) s’oppose-t’il ici au concept de complétude de Gödel ? ?

L'inconscient, objet de la psychanalyse, est-il porteur d'une "autre discursivité" ? Or nous n'avons pas seulement parlé de discours analytique mais de champ pratico-discursif, que condense le terme de praxis. Il faut que l'épistémologie de la psychanalyse, pour être juste et légitime, procède "d'une réflexion sur le mouvement même de la psychanalyse en acte" , écrit Michel Fennetaux (La psychanalyse, chemin des Lumières ?, Point-hors-ligne), et que "la spécification de la discursivité adéquate à la praxis analytique surgisse de cette praxis elle-même" Mais cette discursivité qui consiste à parler, à théoriser sur la psychanalyse en acte, ne peut éviter un discours épistémologique qui lui soit indépendant pour pouvoir être étudiée, parce que pour analyser quelque objet que ce soit, il faut nécessairement une distanciation par rapport à l’objet. Ces formulations doivent être maniées et interprétées avec la plus extrême prudence, dans la mesure déjà où elles pourraient induire un contre-sens sur l'intention de leur auteur qui n'est pas, bien au contraire, de "réserver" aux seuls psychanalystes le droit et le soin de cette approche épistémologique. Cette approche épistémologique ne peut donc éviter, pour pouvoir prétendre anticiper toute psychanalyse en acte future, d’être constituée d’énoncés généraux, universels au sens strict. Ceci à comme conséquence, qu’une position indépendante d’une telle épistémologie vis-à-vis de la psychanalyse ne peut pas être évitable. Considérons qu'elles manifestent simplement le souci de prendre en compte la nature et le dynamisme propres de l'objet à étudier, afin que l'étude ne se perde pas dans un formalisme ou un historicisme vain, l'objet étant ici non directement l'inconscient mais la psychanalyse elle-même, que Fennetaux définit d'abord - c'est un préalable capital - comme une praxis. Selon lui la légitimité d'un questionnement épistémologique s'en déduit. Car "praxis" se distingue nettement de "pratique" : "le "faire" des analystes n'est pas un pur "faire", mais également "savoir-faire", c'est-à-dire savoir qui ne se sait pas et, par conséquent, appelle un "faire savoir"" .Mais il n’y a jamais de " pur faire ", tout comme il n’y a jamais d’observation pure des faits : tout " faire " est guidé par une théorie anticipatrice de l’action, (et à fortiori dans une pratique aussi complexe comme la pratique psychanalytique) tout comme toute observation n’est guidée que par une théorie anticipatrice qui permet l’observation de certains faits. Il n’est pas possible pour une personne tentant de planter un clou avec un marteau de mettre en œuvre un " pur faire " qui serait indépendant de toute rationalité antérieure ou présente : le fait de planter des clous n’est pas inné au genre humain, c’est un " savoir-faire " que nous avons créé " tout comme nous avons créés, à l’aide de théories, les clous et les marteaux. Mais on comprendra qu’à force de vouloir enfoncer le clou sur sa prétendue scientificité, quitte à changer de marteau comme ça lui chante, cette superstition qu’est la psychanalyse en a amené plus d’un à se taper le cul par terre. Etant donné cette exigence épistémologique interne, pourrait-on dire, à l'activité psychanalytique, nul doute que la visée du questionnement épistémologique ne soit "d'éclairer et de jauger la consistance des démarches par où l'on passe d'un "savoir-faire" à un "savoir ce que l'on fait"" . Cette dernière formule ne renvoie-t-elle pas tout simplement au niveau "théorique" du savoir, effectivement exigible dans tout procès de connaissance et a fortiori dans toute discipline constituée ? L’exigence épistémologique repose autant sur le " savoir faire " dont elle se propose de jauger et de critiquer les fondements théoriques, que sur le " savoir ce que l’on fait "…Mais on s’aperçoit ici de la redondance de l’argumentation (de circonstance, mais qui ne passe pas inaperçu) puisque jauger le " savoir ce que l’on fait " revient à jauger les fondements théoriques du savoir..et du faire !

Pour l'instant cela ne donne pas le moindre élément de réponse à la question de savoir si ce questionnement doit être externe ou au contraire interne à la discipline.

Mais ceci revient à jeter par-dessus bord toute la tradition épistémologique, pour inventer un cadre épistémologique qui soit propre à la psychanalyse et qui lui permette de se constituer en tant que science (ce que nous avons déjà répété plus avant). La réponse est claire et depuis longtemps : il n’y a que de l’extérieur, en se distanciant par rapport à l’objet que l’on veut étudier (ici, la psychanalyse) que l’on pourra connaître et juger cet objet. Que de l’extérieur, et en ayant la possibilité de le comparer à d’autres objets ou disciplines scientifiques déjà constituées, car on ne peut étudier une chenille si on ne dispose pas d’au moins une autre chenille pour la comparer. Il faut donc un outil de comparaison qui préexiste et qui soit indépendant, objectif, et non relativisé à la discipline, ou nouvel objet qui se prétend scientifique ! ! !

Un certain nombre de présupposés méthodologiques sont nécessaires pour évaluer la scientificité et/ou la consistance de la praxis psychanalytique. Fennetaux en énumère trois. - 1° "Si la psychanalyse est, ou peut et doit être une science, elle est, ou sera et devra être une "science empirique" . L'auteur inclut à juste titre dans cette définition la notion de "science conjecturale", un moment prisée par Lacan. L'"empirisme" de la psychanalyse signifie qu'elle a affaire à un "réel" - nommé "inconscient" - supposable à certains phénomènes psychiques tels que les rêves, les symptômes, etc., mais aussi "ek-sistant" (un symptome !…) à leur objectivation (l'inconscient n'est pas la science du rêve ni même le phénomène du rêve). Pour autant, l'empirisme ne se pose pas le problème philosophique de la distinction entre "chose" et "objet", "réel" et "phénoménalité", voire "objet réel" et "objet de connaissance", car bien qu'il utilise ce clivage - nécessaire conceptuellement - il tend à le relativiser et à l'écraser sous la seule distinction pertinente et nécessaire pour lui, celle de l'objet à connaître et de la connaissance de l'objet (par exemple, pour l'empirisme, le clivage entre l'inconscient et la psychanalyse prime sur la distinction éventuelle entre l'inconscient et le rêve). Mais que démontre-t-on là ? Rien : il n’y pas de réelle différence entre la première distinction faite par l’auteur, enrobée de mots inutiles tels que " chose " et " objet ", et le clivage traditionnel fait par l’empirisme, que décrit l’auteur ! Donc, l’argument qui consiste à dire que l’empirisme " relativise ou écrase " quoi que ce soit, est de la pure et simple désinformation. - 2° "Une proposition, en tant qu'elle est scientifique, ne tient pas cette propriété de son "contenu", de ce qu'elle dit, mais de la démarche logique qui supporte sa production" . Mais l’essentiel n’est-il pas de savoir si le " contenu " d’une théorie qui se dit scientifique à quoi que ce soit de réfutable par l’expérience ? (Rappelons que les énoncés de la psychanalyse sont notoirement irréfutables donc sans " contenu " réel, c’est-à-dire non scientifiques !) . Encore de la désinformation ! ! N'insistons pas sur cet aspect qui relativise le précédent : outre le contexte empirique et expérimental il y a lieu, classiquement, d'examiner les conditions de validité logique des propositions scientifiques ainsi que de leur prétention à l'universalité. - 3° Quant à la validité de ces propositions, notamment des énoncés fondamentaux de la psychanalyse, "il faut non seulement examiner la consistance de leur mode d'engendrement, mais en outre supposer que celui-ci est identique pour toutes " . On cherche par-là à défendre le bien-fondé d'une démarche synthétique ou empirico-transcendantale permettant de traiter les questions de fait et de droit conjointement, ce qui est le propre généralement du questionnement et de la "critique" épistémologiques. Mais le présupposé fondamental, antérieur à ces questions méthodologiques, (" antérieur à ces questions méthodologiques " ! Le lecteur se reportera avantageusement à nos critiques précédentes.) finalement secondaires, touche la définition même de la psychanalyse comme "praxis" ; c'est par rapport à sa pratique (au sens large), cernant les "singularités subjectives" sous un mode éprouvé (la cure) quoique non vérifié scientifiquement, que la question de la discursivité propre de la psychanalyse se pose à M. Fennetaux (psychanalyste). Doit-elle oui ou non se plier aux exigences de la discursivité scientifique ? On devine que le présupposé "praxique", et conjointement l'abord strictement "épistémologique" (aussi large et rigoureux soit-il comme ici) de la "science" nous oriente a priori vers une réponse négative. (…)

En attendant il s'agit de refuser, au nom d'une épistémologie rigoureuse comme au nom de la simple honnêteté intellectuelle, le "front du refus" ou le scepticisme ambiant qui voudrait écarter d'emblée la critique épistémologique - et a fortiori la science - de la psychanalyse pour des raisons, comme on va le voir, essentiellement triviales c'est-à-dire non fondées ou même non argumentées. (Un virage à 180 degrés ? ). On invoque généralement la double subjectivité à l'œuvre dans la pratique analytique pour situer et limiter celle-ci dans le domaine flou de l'"éprouvé", opposable à celui du "prouvé" soi-disant réservé à la science. Il y a toujours beaucoup de fatuité et de suffisance - c'est un aspect du "principe de psychanalyse suffisante", le plus vulgaire de tous - dans le fait de refuser toute prise extérieure (qu'elle soit elle-même "ordinaire", philosophique, scientifique, épistémologique...) sur l'activité psychanalytique sous le prétexte que celle-ci se légitimerait circulairement : chacun sait que pour exercer cette "profession" il faut et même il suffit en principe d'avoir été soi-même analysé. Or justement, chacun sait aussi que la cure personnelle ne suffit pas à produire un bon analyste ; quant à la cure dite "didactique" ou à l'analyse de contrôle, celles-ci font justement intervenir un savoir extérieur, théorique, institutionnel, etc. qui n'est plus rigoureusement situé dans l'immanence de la cure et s'offre par conséquent à la critique. D'autre part il n'a jamais été pertinent de déclarer incompatibles l'éprouvé et le prouvable, puisque ce qui est prouvé dans le discours peut bien s'éprouver également dans le vécu, et réciproquement. Non seulement cela se peut mais cela se doit car on ne voit pas comment une science pourrait se contenter de prouver (elle ne saurait "prouver" son objet - qui a besoin de lui ek-sister - mais seulement le définir) ni une pratique seulement s'auto-éprouver (il n'y a pas rigoureusement d'"épreuve de vérité", sauf abus de langage laissant le concept de vérité dans l'indétermination). Le simple bon sens (philosophique) dicte que si l'inconscient ou l'acte psychanalytique s'éprouvent bien dans l'expérience vécue, (une grande partie du problème est là : affirmer dogmatiquement que " l’inconscient s’éprouve bien " revient à dire qu’indubitablement celui-ci à une réalité empirique puisqu’il " s’éprouve bien ", mais tout ceci ne sert qu’à masquer une chose fondamentale : c’est que les faits qui au cours de l’analyse donnent à penser à l’analysé et à l’analyste qu’il s’agit bien là des preuves de l’inconscient, ne sont en réalité que des faits ou des " preuves " qui ne sont pas relevés indépendamment de la situation de la cure, qu’ils sont souvent dépendants de la suggestion de l’analyste, et qu’ils ne sont reconnus qu’à la lumière de la théorie de l’inconscient qu’ils sont sensés étayer. Dans de telles conditions, de telles " épreuves " aussi nombreuses soient-elles ne prouvent pas que la théorie de l’inconscient à révélé un réel contenu empirique ou même qu'elle a été "éprouvée"  puisque la seule manière de le révéler serait qu’elle ait pu passer avec succès des tentatives de réfutation empirique. Il ne s’agit donc pas, en l’occurrence de " simple bon sens philosophique ", mais de désinformation philosophique ! !) lorsque l'on peut également prouver leur validité ou du moins chercher à la construire dans le discours. Naturellement cela ne signifie pas que ça soit toujours facile ou simple intellectuellement. Autre argument peu sérieux et facilement réfutable : l'inconscient est logiquement inconnaissable puisqu'il ignore la contradiction. (Désinformation : l’auteur sait bien que ce n’est pas tout à fait comme cela qu’il faut exposer le problème, mais bien de la manière suivante : Ce que l’on reproche à la théorie de l’inconscient freudien, c’est d’un point de vue positiviste (certes erroné) qu’il n’y a, pour le moment aucune preuve empirique de l’inconscient. Puis d’un point de vue négativiste (point de vue poppérien) c’est que les psychanalystes n’admettent aucun fait, aucun comportement humain qui ne puisse contredire, c’est-à-dire réfuter l’existence de l’inconscient freudien. Ceci fait de la théorie de l’inconscient freudien (il y a d’autres théories sur l’inconscient que nous jugeons bien sûr acceptables) une théorie irréfutable puisque prétendant s’appliquer dans tous les cas (puisque aucun cas ne peut la réfuter). Puisqu’elle prétend s’appliquer dans tous les cas, c’est qu’elle n’a finalement aucun contenu empirique, car elle n’a pas de base empirique, c’est-à-dire pas de classe d’énoncés contradictoires qui s’ils étaient confirmés par l’expérience empirique pourraient réfuter la théorie. " Une théorie qui explique tout, en fait n’explique rien. ". Ou Einstein : " si les mathématiques sont certaines alors elles ne s’appliquent pas à la réalité, et si elles ne sont pas certaines alors elles s’appliquent à la réalité. " et Popper à la suite d’Einstein : " si la science est certaine alors elle ne s’applique pas à la réalité, et si elle n’est pas certaine alors elle s’applique à la réalité. " Ou par exemple, nous avons bien conscience qu’une théorie du " Bien " n’aurait aucun contenu sans une théorie contradictoire du " Mal " (qui est donc la " base empirique " de la théorie du Bien) car sans cette théorie contradictoire aucune des deux théories n’existeraient avec son contenu : les mots, les idées, et les énoncés pourraient bien exister tout comme peut bien exister " vénusiens à chapeaux dorés " et pourtant ne reposer sur aucune base empirique. La théorie de l’inconscient freudien n’a aucun contenu parce qu’elle est formulée ou reformulée pour exclure la contradiction. Mais ce n’est pas tout,  la théorie de l’inconscient, puisque irréfutable empiriquement (ou même inobservable pour les positivistes adversaires de Popper !) n’a pu être " établie " que de manière dogmatique, comme vérité révélée, comme postulat de départ à partir duquel on va déduire tout le reste de la théorie psychanalytique. Pour qu’un tel fondement soit logiquement cohérent il lui faut être doté lui même d’un autre fondement, d’une justification, qui lui évite le problème de la régression à l'infini,  il s’agit de la fameuse doctrine du déterminisme psychique de Freud. Mais de quel déterminisme s’agit-il ? Il s’agit d’un déterminisme absolu, excluant tout hasard psychique, et surtout prima faciae. (Avec ce genre de déterminisme, Freud a sans doute cru éviter le fameux piège de la régression à l'infini qui lui aurait obligé de justifier le déterminisme par un autre principe et ce principe par un autre, et ainsi de suite, ce qui aurait rendu impossible l'affirmation d'une validité "apriori" de son inconscient.)  C’est-à-dire que la psychanalyse ne suppose pas établir des connaissances sur notre psychisme, progressivement, par conjectures et réfutations, des connaissances de mieux en mieux déterminées mais jamais parfaitement déterminées, non, la psychanalyse part du postulat qu’au départ il y un déterminisme psychique absolu et aprioriste (quelque chose qui ressemble à l'affirmation kantienne selon laquelle les lois de la Nature peuvent être valides apriori, tout comme semblaient être valides apriori les mathématiques et la physique. Mais c'était là l'erreur fondamentale de Kant),  lequel ne peut être fondateur que d’une théorie de l’inconscient irréfutable donc vide de tout contenu. C’est de ce déterminisme (complètement erroné, voir le livre de Popper : " L’univers irrésolu, plaidoyer pour l’indéterminisme. ") que sont déduits toutes les autres théories de la psychanalyse. Encore qu'il faudrait discuter et interpréter ce dernier principe freudien pour lui-même, il est clair que si la connaissance devait se limiter aux objets non-contradictoires elle devrait se prendre finalement elle-même pour objet ; cela répondrait peut-être aux critères gnoséologiques d'une certaine métaphysique ne faisant aucune distinction entre le réel et l'objet à connaître, le référent et le signe (donc si l'objet s'avère par trop matériel ou "chaotique", la connaissance en est impossible : il faut donc finir par identifier le réel, le vrai, à la connaissance...) mais cela contreviendrait beaucoup aux principes de la science et même de la philosophie modernes qui reposent avant tout sur la distinction de la connaissance et de son objet. Le dernier argument "trivial" tente de mettre en avant non seulement la nature inobjectivable (il faudrait dire, pour être honnête : " non empirique "…) de l'objet (l'inconscient) mais le caractère "inobjectivant" du dispositif sujet/objet, qui se réduirait ici au couple de deux inconscients sujet/sujet. Outre que cela revient à préjuger fort malencontreusement de la position de "sujet" de chacun des termes en rapport (s'il y a rapport...), on dénie tout simplement la possibilité d'une théorie en psychanalyse, ce qui est vraiment nier l'évidence. (" On " ne nie pas qu’une théorie de la psychanalyse puisque exister…puisqu’elle existe, on nie que cette théorie ait un contenu empirique, (nuance) avec toutes les conséquences que cela suppose au sujet de ses prétentions à fournir des explications sur la vie psychique.). On suppute en effet que la pratique, par la grâce du transfert compris comme relation intersubjective, n'aura pas pu produire de connaissances dans les conditions d'objectivation requises, ce qui veut bien dire qu'on ramène la connaissance à cette objectivation selon un modèle des plus classiques appliqué "négativement" à la psychanalyse, pour conclure enfin que celle-ci n'a décidément rien à voir avec la science... (Et on a évidemment raison ! ! Comme je l’ai montré plus avant). Mais on ne tient pas compte du fait que les critères de l'observation scientifique et le cadre spatio-temporel de référence ont évolué depuis Descartes, (certes : les critères poppériens sont autrement plus efficaces…à démolir la psychanalyse ! ! !) de sorte que l'argument se révèle soit erroné soit mal intentionné en jugeant anachroniquement cette discipline récente à l'aune d'un déterminisme révolu (Mais puisqu’il s’agit de déterminisme, l’auteur pourrait au moins se reporter à ce que dit Freud lui-même au sujet du déterminisme psychique ! ! Il s’agit bien d’un déterminisme " révolu " ! !). Il nous faudra reprendre cette réplique au "mauvais argument" qui évacue toujours trop vite la science, (Nous ne voulons pas évacuer la science, en tout cas les critères poppériens ne l’évacuent pas, ils l’expliquent, c’est la psychanalyse qui veut évacuer la " science " dans ce qu’elle appelle ici sa " discursivité ") en la hissant du niveau où l'intérêt scientifique s'affirme d'un "progrès" continu (Popper ou Lakatos, son adversaire, n’ont jamais dit que la Science progressait de manière continue ! Il suffit de voir l’histoire des sciences et il " suffirait " aussi de lire avec plus d’attention ce qu’on écrit Popper ou Lakatos !) voire d'une "révolution" dans les sciences, à celui où l'on reconsidère globalement la finalité et surtout l'essence de la science et de son objet : nous aurons alors à décider de la place à prendre par la psychanalyse à "côté" d'une science transcendantale de l'Un ou du Réel, dont le concept échappe sans doute à toute épistémologie.

Outre le scepticisme récusant a priori la scientificité de la psychanalyse - scepticisme lui-même récusable (il faut oser, mais il n’y a rien dans les arguments de l’auteur permettant de récuser le fait que la psychanalyse n’a jamais été, et n’est pas une science, il s’agit encore de désinformation cette fois d’une grossièreté qui a du mal à éviter le comique involontaire) , donc -, s'élève une objection contre l'approche épistémologique externe de la psychanalyse, consistant à proposer qu'un tel questionnement fût assuré de l'intérieur de la discipline psychanalytique et donc assumé par elle-même. L'argument paraît sérieux, pourtant il ne semble pas inquiéter notre épistémologue qui prend d'abord l'exemple de la mathématique et de son impuissance à se "méta-mathématiser" (Et Einstein ? Et Lakatos : voir son livres " Preuve et réfuations ") ou à se théoriser elle-même, puis aux fins de confirmer ce principe au niveau des sciences humaines ou plus généralement des sciences de la "lettre", il prend enfin le cas de l'Histoire. Contestant qu'une "Histoire de l'Histoire" pût faire la théorie et l'épistémologie de l'Histoire, sans que s'effectue précisément un changement de niveau épistémologique, Fennetaux croit bon de préciser : "une chose est l'Histoire comme science, écrit-il, et une autre, l'Histoire comme "réel", objet de la science" , comme si la distinction du réel et de la science formait le modèle des distinctions suivantes à quelque niveau que ce soit. Or il est évident que la différence quasiment ontologique évoquée dans la phrase citée n'est en rien comparable à la différence épistémologique des doublets suivants ("Histoire de l'Histoire"...), puisque ceux-là se situent exclusivement au plan du discours. (Mais ce discours-là revendiquerait lui aussi sa légitimité : comment légitimer la valeur des énoncés d’une " Histoire de l’Histoire " ? Il faut un outil extérieur pour sortir du cercle, un outil indépendant, cet outil ne peut être qu’épistémologique, une épistémologie qui ne soit pas relativisée de l’objet d’étude, ici, " histoire de l’histoire "…Malgré le stratagème utilisé, notre auteur ne parvient pas à contourner la difficulté de la nécessité d’une discipline épistémologique qui soit en dehors et non relativisée à une discipline particulière, mais nous considérons qu’a ce niveau de stratagème, il ne s’agit plus d’arguments sérieux, mais de malhonnêteté intellectuelle) Cette "erreur" nous paraît significative et en annonce une autre : celle consistant à croire que franchir effectivement des seuils (qu'on peut appeler épistémologiques) au fur et à mesure que l'on fait la théorie d'un discours, d'une science, puis la théorie de cette théorie, etc., revient à passer d'une discipline à une autre ou à changer nécessairement de discours. Ce serait là surestimer de beaucoup l'homogénéité des discours dont rien ne prouve qu'ils ne puissent supporter ce genre de sauts qualitatifs, pour la raison sans doute qu'ils les créent eux-mêmes sans pour autant s'auto-détruire à chaque fois : si l'épistémologie ou la théorie de l'Histoire réclament nécessairement d'autres énoncés que ceux racontant ou décrivant les faits historiques, cela reste bien pour l'essentiel le discours de l'historien. (C’est faux, comme le démontre ce qui suit…) Nous n'ignorons pas que l'épistémologie de l'Histoire intéresse aussi les philosophes, voire d'autres spécialistes ou généralistes du savoir dont le statut importe peu ici. Seulement voici : même à reconnaître l'existence d'une discipline épistémologique autonome, intermédiaire entre le discours de l'historien et le discours du philosophe, chose encore possible, cela n'invalide nullement l'existence et la légitimité du discours théorique de l'historien sur sa science ou son écriture de l'histoire. (Mais ce genre de discours de " l’historien sur sa science " n’est rien d’autre.. qu’un discours épistémologique ! On a bien du mal à voir ce qu’il pourrait être d’autre d’ailleurs dans la mesure où l’historien ce pose des questions sur la validité scientifique de ses énoncés portant sur le passé réel !) Transposons seulement ce que nous affirmons de l'Histoire à la psychanalyse : cela suffit pour invalider la position défensive de Fennetaux vis à vis des éventuelles prétentions "auto-épistémologiques" de la psychanalyse, en réalité parfaitement justifiées (" en réalité ", l’auteur n’a rien démontré d’une telle justification, mais nous, nous avons démontré le contraire plus haut). En tout cas nullement mises en défaut par les arguments du discours de l'épistémologue (celui qui revendique le "questionnement épistémologique" comme tel). Il ne suffit pas de rappeler, comme M. Fennetaux, qu'"aucun discours ne peut se fonder sur lui-même, pour cette raison péremptoire que tout discours a pour objet un "réel" (non, les discours métaphysiques n’ont pas nécessairement pour objet un " réel ") qui, par définition, est toujours "fuyant"" , car si cette condition fonde en le limitant tout discours (encore non, le " discours " hégélien est une excellente preuve que l’on peut continuer à discourir sans aucune limite tant que l’on évite de soumettre ce que l’on dit à l’épreuve des faits, c’est d’ailleurs un des fondements de la " critique de la raison pure " de Kant qui démontre que lorsque la raison pure ou spéculation s’aventure dans des domaines où elle ne peut plus être contrôlée par l’expérience, elle court le risque de sombrer dans des antinomies, c’est-à-dire des absurdités, comme dans le cas de la psychanalyse) , c'est bien pour marquer son attache au réel avant son enchevêtrement aux autres discours ; or dans son argumentation Fennetaux privilégie indûment le deuxième aspect. Il faudrait aussi se demander si le discours analytique ne contient pas déjà en lui-même, dès son principe, plus d'"épistémologie" que le discours ou la partie de la philosophie portant ce nom. (Mais non, car le discours épistémologique trouve en amont de lui-même la logique, par exemple dans le cas de Popper, à vous de dire et de démontrer comment le discours " psych –analytique " peut justifier d’être en amont de la logique grâce à laquelle il tient sa cohérence ! ! !) Il est d'ailleurs à peu près clair que la problématique du questionnement épistémologique ressortit essentiellement à la philosophie, comme étant ce discours qui croit et qui affirme qu'on ne peut pas se passer de lui... Fennetaux termine son nettoyage des positions anti-épistémologiques en laissant entendre toutefois que, si "les psychanalystes ont le souci de protéger un agalma infiniment précieux" (c’est rien de le dire ! !), qui expliquerait en partie leurs réticences à l'explicitation épistémologique, un tel effort n'en est pas moins exigible même s'il doit déboucher sur le constat d'une incompatibilité radicale entre science et psychanalyse : il restera alors à définir celle-ci comme éthique ayant en charge la question de notre temps (ce qui, à notre avis, nous ramènera à la question première de la philosophie et à un tout autre débat que celui de l'épistémologie). (Mais sur ce plan-là, Fennetaux à sans doute raison et les psychanalystes tort). Avant de statuer définitivement sur l'utilité et le bien-fondé d'une épistémologie de la psychanalyse, il faut s'assurer de manier l'outil épistémologique lui-même au niveau qui convient, et s'abstenir de toute trivialité à son égard. Notamment, il est indispensable de faire droit à la critique poppérienne de la psychanalyse - ne serait-ce que pour l'invalider - et pour cela d'en rappeler l'argument principal : la psychanalyse ne peut pas être une science puisqu'elle est irréfutable. On sait que le caractère principal d'une proposition scientifique, selon Popper, est sa réfutabilité, et le propre d'un discours scientifique en général sa capacité à ne pas se refermer sur lui-même comme un système clos avec une conception absolutiste de la vérité. L'épistémologie naïve croit qu'un énoncé est vrai lorsqu'il est irréfutable ; ce faisant elle confond deux notions de l'irréfutabilité : celle découlant d'une validation effective, logique ou positive de quelque assertion, et celle synonyme d'une non-réfutabilité causée par l'absence de moyens permettant de réfuter l'assertion - celle-ci mérite alors, dans le langage de Popper, le nom de "proposition indécidable", à savoir ni vraie ni fausse. L'épistémologie ne peut pas se contenter de dresser positivement le catalogue des moyens et des méthodes scientifiques susceptibles de produire ou ayant déjà produit des résultats ; elle doit avant tout dégager le critère de démarcation qui permette de discriminer les propositions appartenant ou n'appartenant pas de droit à telle science ; de sorte que le couple classique vérité/erreur procédant d'un jugement dans l'absolu le cède au couple corroboration/invalidation (ou falsification) émis en fonction du discriminant retenu ; mais le dynamisme ou le progrès de la science découle en priorité de la possibilité d'invalidation, c'est-à-dire qu'un énoncé étant considéré comme "vrai" - dérivable logiquement ou vérifiable empiriquement - à partir du moment où il n'est pas falsifié, la vérité ou corroboration indéfinie d'une proposition est synonyme de stagnation et non de découverte scientifique.  ( ? ? ? Lorsque les hommes de science veulent essayer de réfuter une théorie, il tentent de dériver de sa base empirique (la classe des énoncés de base de la théorie) un énoncé contradictoire (un "énoncé de base" sous la forme "il y a...tel événement E potentiellement capable de contredire la théorie T sous certaines conditions initiales C) susceptible d’être soumis à un test. Encore faut-il que la théorie que l'on veut ainsi essayer de réfuter soit formulée de telle façon qu'elle  admette l'existence d'une classe d'énoncés contradictoires, ou qu'elle ne soit pas sans cesse reformulée pour éviter ce genre de "contradictions"... Puis, si cet énoncé est confirmé par le test, c’est-à-dire " qu’il y a bien tel ou tel événement se produisant " pourtant interdit par la théorie, alors la théorie est réfutée, par la confirmation d’un de ses falsificateurs potentiels ou énoncés de base. Par contre, si le test infirme l’énoncé de base, c’est-à-dire " qu’il n’y a pas tel ou tel événement qui se produit et que la théorie interdit bien de se produire ", alors la théorie est corroborée. Mais que signifie exactement une corroboration, au sens de Popper critiqué ici ? Une théorie ne peut être corroborée que si le test qu’elle passe avec succès est inscrit dans une tradition précédente de recherche ou des tests antérieurs, c’est-à-dire si le nouveau test qui a permis de corroborer la théorie a été logiquement déduit d’un précédant en demandant à la théorie une mise à l’épreuve supplémentaire, inédite, c’est-à-dire un contenu supérieur. Donc si la théorie passe avec succès ce nouveau test, plus sévère parce que plus riche en contenu, ou comportant un obstacle inédit pour la théorie (un obstacle qui aura pu être construit grâce à de nouvelles avancées technologiques permettant de nouveaux tests plus sévères), alors la théorie nous apprend indiscutablement quelques chose de nouveau, en réussissant à incorporer davantage de contenu et donc en devenant toujours plus falsifiable puisque toujours plus improbable. Il y a donc bien un critère de progrès scientifique (défini par Popper dans le chapitre 10 de " conjectures et réfutations " et superbement ignoré ici) qui est le degré d’improbabilité logique d’une théorie puisque plus une théorie à de contenu corroboré, plus elle prend de risques à prédire l’avenir, plus elle est donc falsifiable, c’est-à-dire que c’est le degré de falsifiabilité d’une théorie, dépendant de son degré de corroboration qui est le témoin du progrès scientifique. La corroboration d’une théorie ne signifie donc jamais la stagnation dans le domaine de la Science empirique, les tests qui permettent de corroborer une théorie sont relatifs les uns aux autres et ont leur histoire…Si les hommes de science arrêtaient leurs recherches à partir d’un certain degré de corroboration, il n’y aurait plus de progrès scientifique, mais une science constituée jusqu’à un certain point. Certes, il faut parfois attendre assez longtemps pour attendre une falsification (voir les théories de Newton par Einstein) ou une corroboration , cela est dépendant, notamment du progrès technologique, qui est lui-même dépendant du progrès scientifique dans certains domaines, mais tout cela n’invalide nullement le critère de démarcation de Popper, au contraire). Si ce qui définit proprement la science (moderne) est justement sa capacité de découverte et non l'accumulation et la conservation d'un savoir pérenne, (c’est en partie faux, puisque le résultat du progrès scientifique est l’accumulation de théories, de connaissances ! La meilleure preuve de ceci est qu’il y a beaucoup plus de théorie sur la matière qu’à l’aube des temps, de même qu’il y a beaucoup plus de théories en mathématiques…notamment sur un certain théorème de Fermat…) et si la logique de la découverte scientifique se révèle à ce point "négative", on peut en déduire que la science confine à une éthique voire à une ontologie du provisoire et de la conjecture qui ne devrait pas laisser la psychanalyse indifférente. Celle-ci serait susceptible, au prix d'une véritable "réforme de son entendement" et pas seulement d'une bonne dose de modestie, de satisfaire aux réquisitions précédentes ou du moins de s'en inspirer afin de promouvoir l'interlocution dans ses rangs et chasser sa tendance à la paranoïa théorique : tel semble l'avis de M. Fennetaux, qui en appelle à une sérieuse critique conceptuelle dont il voit d'ailleurs en Lacan l'initiateur, critique et exigence conceptuelles d'autant plus cruciales, note-il, que "les phénomènes dont s'occupe la psychanalyse ne sont pas reproductibles au sens où ils le sont dans les autres sciences empiriques" . Cependant, n'est-ce pas le cas de la plupart des sciences dites "humaines" ? L'auteur semble prêt à faire montre d'une grande indulgence envers la psychanalyse -- lui reconnaissant le droit à un certain "bricolage", un "pragmatisme théorique" - pour peu qu'elle se plie, non vraiment aux exigences et aux critères sans doute trop stricts pour elle de la science, mais avant tout au regard ou au questionnement épistémologique. Car celui-ci est le seul, après disjonction des discours de la science et de la psychanalyse, à pouvoir indiquer à celle-ci la voie de l'éthique. Ce qui suit consonne de la part de Fennetaux comme une prédiction et un souhait : "Une chose doit, dès maintenant, être en effet clairement explicitée : l'existence d'une discursivité consistante ne préjuge pas de la scientification de la psychanalyse" . A ce propos, peut-on être aussi sûr que le constat probable de la non-scientification de la psychanalyse ne ruinera pas du même coup, et après coup, la pertinence de l'approche épistémologique ? (Provocation inutile, parce que vous seriez bien en peine de démontrer honnêtement une telle chose) - Mais plus radicalement il existe selon nous une autre voie, une autre solution, consistant à soutenir que les réquisitions épistémologiques (notamment poppériennes) ne sauraient être "atteintes" par la psychanalyse dans la mesure où elle y satisfait déjà largement, voire paradoxalement en fournit le principe. (Toujours la même stratégie : plus c’est gros, plus ça passe !) La psychanalyse n'a pas à devenir une science conjecturale rigoureuse, car son objet et sa méthode épuisent l'essence de la conjecture : le sujet de l'inconscient et sa parolisation (mais ceci nous renvoie inévitablement à la sempiternelle question : comment justifier, valider l’objet et la méthode de la psychanalyse ? Ne faut-il pas un système théorique qui lui soit indépendant ? Il s’agit bien sûr de l’épistémologie, une épistémologie non relativisée aux problèmes de la psychanalyse ! ! !) ; la psychanalyse est la conséquence de l'impuissance flagrante des sciences dites de l'"homme" à faire science - et non l'inverse --- et - pour renverser encore plus nettement la perspective - c'est peut-être l'analyse qui aurait quelque chose à apprendre aux sciences "exactes" comme l'a quelque fois illustré Lacan, de l'ordre de leur cause (Mais sur quoi de légitime peut bien se fonder cette prétendue aptitude quasi tutélaire de la psychanalyse à apprendre quelque chose aux sciences ? Comment prouve-t-elle qu’elle en a la capacité ? Par qui et comment de telles preuves ont-elles été établies ? Par les psychanalystes eux-mêmes ? Il n’est pas trop mal aisé de voir que notre auteur ne peut résoudre le problème : la psychanalyse ne peut pas être une super-théorie en dehors de tout autre discours, elle ne peut pas ne pas être soumise à un autre discours qui soit en amont d’elle : l’épistémologie, voire la logique. Peut-être qu’à postériori la psychanalyse aurait pu effectivement nous apprendre quelque chose sur les sciences, et même sur l’épistémologie et la logique, mais ce ne sera le cas que lorsque ses théories auront prouvé, empiriquement et à l’aide des tests intersubjectifs et indépendants qu’elles peuvent le faire. Par conséquent, et malgré de retentissants effets d’annonce, notre auteur n’a pas réussi la démonstration consistant à invalider la position " réquisitoriale " et poppérienne au sujet de la psychanalyse, et de surcroît n’a jamais abordé de front et résolu le problème de l’irréfutabilité de l’inconscient freudien. Quand au problème du déterminisme psychique…mieux vaut sans doute l’oublier !).

Il est temps justement d'examiner ce problème de la causalité dans le cadre d'une stratégie lacanienne qui, épistémologiquement, tente de concilier l'inconciliable : Aristote et Descartes. Lacan se sert principalement des concepts et principes aristotéliciens relatifs à la causalité, conservant la quadrilogie mais problématisant surtout la "cause matérielle", tout en reliant cette logique à la démarche moderne et cartésienne de la philosophie du sujet, laquelle à son tour s'en trouve bouleversée. Lacan interroge ou plutôt "secoue" l'imposante synthèse aristotélicienne comme s'il en espérait quelque révélation majeure sur la structure du sujet de l'inconscient. Trois ou quatre exemples. La "matière" (hylè) selon Aristote, ce quasi non-être a t-il quelque chose à voir avec le "réel" non-symbolisable que suppose la notion freudienne de "pulsion de mort" ? Que veut dire Lacan en affirmant qu'"Aristote a tout à fait loupé la question de la causalité matérielle" : cela signifie-t-il qu'il cherche lui-même à établir une causalité matérielle générale qu'aurait manquée Aristote en se cantonnant à une cause matérielle parmi d'autres espèces de cause ? Du côté de la "forme", maintenant, ne peut-on voir dans l'assomption des êtres en direction d'une réalité essentielle mais inaccessible (le premier moteur immobile, Dieu), les conditions d'une théorie du désir de l'Autre où la cause se maintenant toujours séparée institue le manque chez les sujets ? Ou encore : on sait que les catégories de l'être, établies par Aristote, correspondent assez fidèlement au répartitoire de la langue grecque elle-même, de sorte qu'on pourrait presque dire que l'être advient en parlant. Il suffirait de remplacer l'"être" par le "sujet" pour retrouver le principe majeur de la psychanalyse : l'avènement du sujet dans la parole. D'où l'audacieux mixage par Lacan des problématiques aristotélicienne et cartésienne, notamment dans "La science et la vérité", puisque nulle "production" du sujet (ou de l'être) n'est bien sûr envisageable du seul point de vue de Descartes. Quant à la physique d'Aristote, si elle contredit radicalement les principes de la scientia nova qui soutiennent la démarche cartésienne - finalisme qualitatif contre mécanisme quantitatif - peut-être n'est-elle pas sans intérêt pour une théorie dynamique du psychisme incluant la dialectique du désir. Cette disposition à œuvrer selon ses fins naturelles qu'Aristote désigne par l'entéléchie et qui contrevient si évidemment à l'"ob-jectalité" du monde dans la conception moderne, finalise le système tout entier de la causalité et rend proprement inséparables les effets et les causes : on va retrouver dans un instant ce principe d'interdépendance des effets et des causes dans la logique temporelle de l'"après-coup", qui est celle du sujet de l'inconscient, mais sous une forme en quelque sorte inversée. La doctrine de l'entéléchie n'est-elle pas encore lisible dans les termes quasiment éthiques qui définissent la visée de la cure, soit l'avènement du sujet du désir ? Telle est, d'une façon générale, ce que produit le nouage de deux épistémologies contraires : l'incompatibilité de la psychanalyse avec l'une ou l'autre de ces doctrines dans leur état initial, et la fondation d'un discours consistant spécifique. (Tout ce qui vient d’être dit n’échappe pas aux critiques précédentes et n’est que de la poudre aux yeux. ).

Venons-en donc plus positivement à la conception lacanienne de la causalité matérielle, opposable en réalité autant à la doctrine aristotélicienne qu'à la science cartésienne. Laissons cette fois le raisonnement téléologique à ses rêves d'unité et de plan universel de la nature. La science cartésienne part au contraire du dualisme de la pensée et de l'étendue, livrant celle-ci à la prédominance de la cause efficiente ou opérationnelle, dans le cadre d'un système déterministe où règnerait l'automatisme des lois et qui pourrait déboucher par exemple sur une perspective évolutionniste. On peut toujours discuter du type de déterminisme en vigueur dans la science moderne - absolu ou statistique-relativiste (il ne peut y avoir de déterminisme absolu en vigueur dans la science moderne, car le déterminisme reste toujours un but inaccessible à atteindre, par exemple il est scientifiquement impossible d’atteindre parfaitement et définitivement un déterminisme génétique qui expliquerait tout, de façon certaine de définitive) -, mais pour l'essentiel la psychanalyse considère que les conceptions causalistes de la science antique et de la science moderne butent sur la même énigme et conduisent à la même impasse : celle de l'origine (va-t-on maintenant verser dans l’essentialisme si vigoureusement critiqué par Popper ?…). Pour Aristote, cette énigme est le "premier moteur immobile", car ce qui cause le mouvement indéfini ne peut pas être lui-même en mouvement. Pour Descartes et la science moderne, l'"origine de la cause", si l'on peut dire, n'est pas moins requise bien qu'elle ne soit pas volontiers admise : plusieurs indices témoignent d'un déterminisme total mais "second", d'essence philosophique, qui consiste à réduire le principe de cause à celui de détermination, même si finalement la détermination dernière doit s'avérer elle-même indéterminée, inconnue, voire inatteignable (soit). Ces signes pourraient être : la "philosophie spontanée" des savants, qui montre que l'éthique, la subjectivité trouvent toujours moyen de se glisser dans les interstices de la technique, de la mesure et du calcul ; la présence d'un "désir du savant" comme étant son véritable atout, son génie inventif et sa vraie "intelligence" ; la nécessité d'une référence externe, comme le Dieu de Descartes, qui garantisse la véracité du système, etc. Ces signes d'un dualisme non résolu font pourtant système, au sens philosophique du mot ; ils nourrissent l'idéal de la science, mais proviennent d'abord de son impuissance. (S’il s’agit de son impuissance à atteindre des certitudes, pourquoi pas) Impuissance à reconnaître le manque qui la fonde - et non qui la freine. C'est Lacan qui renverse la perspective, en associant justement Descartes et Aristote : tous deux font de la cause dernière une cause manquante, idéale et transcendante, tandis qu'il fait du manque en tant que tel la véritable cause. C'est en quoi Aristote a méconnu la véritable nature de son "sujet", de sa matière, dont l'imperfection et le non-être auraient pu servir de cause générique. Quant à Descartes il n'a pas vu lui-même - ou il a recouvert immédiatement - le statut de la vérité (celle du cogito, dans son retranchement) comme cause. Il ne reste plus à Lacan qu'à rebaptiser ce manque radical du nom de "réel", indiquer sa trace ou plutôt sa place logique dans le "sujet de l'inconscient", pointer les phénomènes où il affleure comme "formations de l'inconscient" (encore des confirmations plutôt que de véritables preuves…). La causalité concerne ces différents niveaux, noués par la catégorie, le paradigme du sujet ; car chez Lacan, si le réel comme manque est cause, il est aussi la vérité d'un sujet. En tout cas il faut bien distinguer les deux concepts qui apparaissent désormais disjoints. Celui de cause, d'une part, nettement référé au manque, réel et subjectif à la fois : "il n'y a cause que de ce qui cloche" ; "l'inconscient nous montre la béance par où la névrose s'accroche à un Réel lui-même non déterminé" . Celui de loi ou de détermination d'autre part, référé par contre au symbolique, et à l'inconscient dans ses productions ou "formations" : "Je suis certes maintenant, à ma date, à mon époque, en position d'introduire dans le domaine de la cause, la loi du signifiant, au lieu où cette béance se produit" . Cette dualité se répercute de façon essentielle dans la cure puisque, là où l'enchaînement des déterminations signifiantes achoppe, la jouissance (ou le réel) prend le relais ; après la remémoration, quand il n'y a plus de signifiant disponible, vient la répétition où s'annonce la rencontre avec le réel. Seulement, dans cette théorie, la vraie cause, le vrai manque en cause se trouve toujours produit et d'une certaine manière déterminé par l'enchaînement signifiant : c'est là où la vérité du sujet joue son rôle de cause, dans ce croisement, là où le déterminisme absolu (dans l'idéal) du signifiant échoue et où s'indique un réel. Il est essentiel de remarquer que si la chaîne a besoin du manque réel pour fonctionner selon ses lois, le réel indéterminé n'est lui-même qu'un produit de la chaîne. Pris dans l'alternative, ou bien une cause absolue indéterminée, ou bien des déterminations sans cause, Lacan choisit la solution du manque comme cause réelle, en tant que produit des impasses - l'"impossible" même - du symbolique. Selon les périodes de l'enseignement de Lacan, cet impossible est soit connoté du sujet comme tel ("lui-même" absent, impossible), soit de l'objet 'a' en position centrale de manque. (sans doute sur le même terrain, on pourra se référer avantageusement au chapitre intitulé " les raisons et les causes " dans le livre de Jacques Bouveresse : " Philosophie, mythologie et pseudo-science, Wittgenstein lecteur de Freud ", et trancher.)

Pour illustrer ce fonctionnement causal propre à l'analyse, évoquons quelques conséquences sur le plan clinique, et notamment le mode de temporalité qui l'accompagne. Il s'agit d'une logique originale dite de l'"après-coup", rompant avec la logique temporelle linéaire et continue prévalant dans la science. On peut assister à son émergence dans l'œuvre de Freud, comme répondant à une double, et apparemment contradictoire, exigence : faire droit à la véritable cause - la cause exacte ou "scientifique" selon Freud - du symptôme de conversion (en l'occurrence la paralysie hystérique), tout en la référant au sujet et non plus à une simple lésion physiologique ou neurologique - comme l'idéologie "scientiste" le voudrait. Freud découvre finalement (comment le " découvre-t-il finalement ? Quelles sont les méthodes employées ? Quelles preuves empiriques, indépendantes et corroborées Freud a-t-il pu fournir au sujet de ses " causes " ? Réponse : aucune. Existe-t-il des preuves méthodologiques que Freud a procédé à des tests intersubjectifs, empiriques, et indépendants pour corroborer ses prétendues " causes " ? Réponse : aucune) .que la formation des symptômes s'effectue par la voie de la symbolisation, quand le sujet investit sur certaines représentations courantes, à partir de leur puissance d'équivoque - donc en tant que "signifiants" matériels, avec leurs structures phonématiques -, un sens qui lui est propre et qui le restera, et qui surtout éclaire rétroactivement la vie passée du sujet (Quelles corroborations empiriques, indépendantes Freud a-t-il fourni de cela ? Réponse : aucune). La cause du symptôme, non seulement n'est plus efficiente, mais elle n'appartient plus au passé (au sens où une cause serait dite "antérieure" à ses effets) ; elle est plutôt "formelle" au sens où elle tient à une structure signifiante qui consiste dans la synchronie de ses relations, et surtout elle est "matérielle" car le sens donné à la représentation repose paradoxalement sur un "vide de sens" initial, un arbitraire, une énigme que seul le sujet - de l'inconscient - est à même de savoir-sans-savoir, dans le fantasme qui prête forme à la jouissance. La cause matérielle du symptôme, c'est qu'un quantum de jouissance s'y voit incrusté, sur le mode de la perte, de l'interdiction, du refoulement. L'effet d'"après-coup", c'est que le tissu signifiant ne délivre son sens qu'"une fois" constitué en totalité (par exemple une phrase), au point de produire ce signifiant "nouveau" indécidable, qui normalement fait parler ou écrire, et dans le cas du symptôme va "rappeler" un signifiant passé en l'"affectant" d'une valeur de jouissance négative. Notons que si le sens du passé (ce qu'on peut appeler la "cause") est donné rétroactivement, il ne saurait y avoir à cela aucune anticipation, de sorte que toute cause finale est écartée du processus. Il s'agit bien d'une logique subjective, où le sujet se trouve constitué lui-même "après-coup", d'après la loi du signifiant mais aussi à cause du réel de la jouissance, qui s'y meut, s'y présente parfois comme symptôme. L'on ne saurait trop insister sur la dimension originellement clinique de la cause freudienne, là où "ça cloche", là où l'on est purement et simplement pris en défaut ne pouvant qu'accuser la béance entre une cause matérielle indéterminée et son résultat symptomatique. C'est cela même la dimension de la cause, l'hiatus entre la cause et l'effet (il n’y a aucune preuve empirique, indépendante, et extra-clinique au sujet des ces relations de cause à effet) qui, lorsqu'il est comblé, notamment par "le progrès de la science, fait s'évanouir la fonction de la cause. (... ) L'explication de quoi que soit, renchérit Lacan, aboutit à mesure qu'elle s'achève à n'y laisser que des connexions signifiantes, à volatiliser ce qui l'animait (...) c'est-à-dire la béance effective" . Lacan de marteler cette différence entre la clinique et la science, le plan de la cause et celui de la détermination. "Elle se distingue de ce qu'il y a de déterminant dans une chaîne, autrement dit de la loi. Pour l'exemplifier, pensez à ce qui s'image dans la loi de l'action et de la réaction. Il n'y a ici, si vous voulez, qu'un seul tenant. L'un ne va pas sans l'autre. (...) Au contraire, chaque fois que nous parlons de cause, il y a toujours quelque chose d'anticonceptuel, d'indéfini" . Bref il n'y a de vraie cause matérielle que lorsque la pensée s'y perd et n'y peut rien ("les miasmes sont la cause de la fièvre" ), parce que justement "ça cloche" même entre la cause et l'effet et qu'à partir du second l'on n'est jamais sûr de retrouver la première. - On pourrait donc parler d'une causalité unilatérale du manque, où manque (béance, etc.) renvoie à "matériel" soit très précisément "quelque chose de non réalisé " . L'on comprend dès lors que cette unilatéralité n'est pas si unilatérale que cela puisque "non réalisé", à son tour, renvoie à "dérobé et à "perdu". La cause qui prend maintenant le nom d'objet 'a' - cause du désir - est contemporaine de l'opération de coupure ; "cette part de nous-mêmes dans la machine" est comme telle le corrélat exact du signifiant. Cela confirme ce que nous supputions depuis le début : la cause" réelle" lacanienne n'est pas encore affranchie du symbolique ; la dualité irréductible réel/symbolique signifie justement que l'uni-latéralité de la cause est impossible (elle manque à elle-même, elle est l'impossible) puisque l'on aura toujours deux "côtés" et non un seul. - Au contraire, la causalité unilatérale chez F. Laruelle signifie l'existence d'un côté unique, encore que cela ne soit pas celui de l'Un (le Réel) mais celui de l'Autre (le signifiant, par exemple). Il s'agit exclusivement de l'unilatéralisation causée par l'Un-Réel, voire, dans la théorie la plus récente de Laruelle, par l'Un-transcendantal, clone du premier. C'est dire de toute façon combien le réel n'est plus du côté (pas de côté du tout) de ce qui "cloche", mais qu'il unilatéralise et indifférencie absolument le mixte du réel et du signifiant, du signifiant et de la jouissance, soit généralement le symptôme y compris celui constitué par la théorie de Lacan. Celui-ci affirmait que "le progrès de la science fait s'évanouir la fonction de la cause" , mais si cela consonne juste pour la science cartésienne et l'épistémologie, c'était compter sans cette science transcendantale d'avant la science et d'avant la philosophie, rendue possible à cause de ce réel-Un d'avant le réel unitaire que prétend être la philosophie.

Rappelons que la problématique de la causalité et celle du sujet sont étroitement liées puisque Lacan, à travers son interprétation de la causalité matérielle d'Aristote, a inventé une "causalité subjective" pour la psychanalyse, c'est-à-dire plutôt pour l'inconscient. Poursuivons cet abord épistémologique de la psychanalyse et passons maintenant à l'apport spécifique de Descartes, toujours selon la lecture de Lacan : le fondement du "sujet de la science". Il faut souligner d'emblée la parenté des enjeux de Descartes et de Lacan qui consistent "à examiner ou, mieux, à rendre manifeste ce qui permet d'instituer une pratique théorique en discours consistant, c'est-à-dire de cerner le point-source qui fonde la cohérence conceptuelle" . En l'occurrence, cela passe par une interrogation sur la fonction princeps du "cogito" cartésien, tant pour articuler ce qui fonde à partir de lui la consistance du discours scientifique que pour envisager son possible équivalent (ou son interprétation) dans le champ psychanalytique. De même qu'à partir du principe d'inertie en physique s'opère le passage d'une échelle ontologique et qualitative à un système relationnel et quantitatif, l'expérience du cogito génère une nouvelle sorte de vérité fondée sur l'adéquation de l'esprit avec lui-même et donc sur le seul jugement. L'acte du penser lui-même apporte la certitude de toutes nos représentations et confère notamment aux disciplines bâties sur les raisons mathématiques leur statut de science, avant même les critères méthodologiques dont elles peuvent se targuer. (Eh oui, et de là à créer un amalgame favorable à la psychanalyse, pour notre auteur, il n’y a qu’un pas allègrement franchi) Cette forme de cohérence discursive, fondée sur une critique de l'imagination et de la sensibilité, subit une torsion significative chez Lacan. En effet, la certitude du sujet n'est plus à référer à l'intuition de l'être sous la pensée, mais à leur disjonction (je pense : "donc je suis"; je pense où je ne suis pas, etc.), ni à la rationalité de la pensée (cause formelle) mais plutôt à ce qui l'entrave, soit au contenu du doute maintenant exhumé et rehaussé en "cause matérielle" (c'est ici que la référence aristotélicienne acquiert tout son intérêt). Cela n'amène plus à définir le sujet par son attribut principal (la pensée) en fonction d'un dualisme préalable de la pensée et de l'étendue, de l'âme et du corps, etc., mais plutôt à diviser ou à refendre le sujet lui-même qui, en tant que sujet du désir, ne peut plus avoir les mêmes vertus épistémologiques - bien que la certitude reste sa principale vertu. Mais Lacan révèle la vérité du cogito cartésien, si l'on s'avise que le "sujet" chez Descartes, malgré qu'il en ait, n'est plus une substance nécessaire et à peine un substrat formel de relations mais déjà le signifiant in-signifiant de sa propre dérobade et de sa propre défaillance. En effet si la science repose sur le roc du cogito, elle ne peut que l'effacer de ses calculs et de ses recherches comme le dire de l'énonciation est oublié derrière le dit de l'énoncé. Il fallait simplement amener la réduction cartésienne jusqu'à son terme, qui n'est pas l'intentionnalité de la conscience selon Husserl, mais le désir du parlêtre selon Freud et Lacan. Reposons maintenant la question principale : "peut-on penser, après Descartes, une discursivité consistante, adéquate à un objet dont l'être se dérobe ?" . C'est ici que la psychanalyse se détourne radicalement de la science, mais aussi de la magie ou de la religion, en tant que la vérité de son discours opère comme cause matérielle à partir des manques et des trébuchements de la parole de son sujet : "elle fait pléthore de pénurie" (et pléthore de verbiage et de mots aussi douteux qu’indéterminés…) selon Fennetaux, car le manque d'être appelle un devoir-être et un avènement du sujet, quasiment aussi catégoriques que l'impératif kantien. Ainsi la phrase célèbre "Wo es war, soll ich werden" ne décrit pas une possibilité du sujet mais le définit rigoureusement comme advenir à lui-même ("là où c'était, peut-on dire, là où s'était, voudrions-nous faire qu'on entendît, c'est mon devoir que je vienne à être" ). Pareillement le "moyen" par lequel le sujet doit advenir, soit la position de la règle fondamentale qui abolit tout hasard dans la vie psychique (puisque tout ce qu'on dit est réputé signifiant) (Mais puisque la vie psychique dépend aussi de nos neurones et de nos synapses comme l’a démontré et corroboré le Prix Nobel John Eccles (voir son livre : " comment la conscience contrôle le cerveau "), ces connexions synaptiques dépendent en dernier ressort de processus déterminés à un niveau quantique, et même à ce niveau, il est corroboré qu’il y a toujours une part possible de hasard, même infime. Tout ceci veut dire, bien entendu que ce genre de détermination ne saurait se soustraire à de nouvelles tentatives de réfutation, car les théories d’Eccles sont éminemment scientifiques, on peut en déduire des énoncés contradictoires qui peuvent potentiellement les falsifier. On a alors du mal à admettre que tout hasard dans la vie psychique soit prétendument aboli, car si tel était le cas, cela rendrait les théories de la psychanalyse irréfutables, et elles le sont notamment à cause du rejet explicite du hasard psychique) , constitue en soi l'expérience défaillante et réussie d'un "autre cogito" seyant à la pratique psychanalytique. En somme, dans le devoir-être qu'implique la position de la vérité comme cause matérielle et corollairement dans le laisser-dire constituant la règle fondamentale, donc la double référence à Aristote et à Descartes, on verra surtout une finalisation éthique du procès subjectif dans son ensemble.

Reprenons maintenant le thème de la division du sujet (Spaltung ), en tant qu'il remet en cause non seulement l'unité du sujet de la connaissance, fondement de l'épistémologie, mais aussi bien les critères de validation scientifique qu'on voudrait appliquer sans autre forme de procès à la psychanalyse . La prise en compte du sujet de la psychanalyse (mais ce sujet-là n’a jamais pu être confirmé que par les psychanalystes eux-mêmes, il n’existe que dans leur discursivité et prétend se justifier à priori " sans autre forme de procès " rien ne légitime donc que " nous le prenions en compte " pour " inverser les rôles "), ce sujet divisé qui est aussi le sujet forclos par la science, suggère une nouvelle "classification" des sciences qui fait apparaître la psychanalyse à une position périphérique, extrême, sinon tout à fait extérieure au champ scientifique. Concernant tout d'abord les critères de validation généralement retenus par la science, ils sont infirmés, déclarés non pertinents par la psychanalyse (les rôles sont inversés) dès lors que jamais le sujet qui parle ne recoupe exactement le sujet qui connaît, comme jamais la vérité (subjective) n'est réductible au savoir, double confusion (il n’y a pas de confusion) entretenue par l'épistémologie et non seulement par la science - de sorte que c'est une véritable "subversion de l'épistémè" qui s'annonce, selon les termes de Joël Dor. Celui-ci écrit : "Or c'est bien en raison de critères articulés à cette exigence de vérité que la science, à vouloir instruire ce que pourrait être la "scientificité" analytique comme la validation des effets issus de sa pratique, est, rétroactivement, saisie à son tour et, d'une certaine façon, sommée à comparaître (sommée à comparaître ? Aucune science véritable n’est sommée à comparaître devant aucun dogme frauduleusement établi) devant l'instance psychanalytique qui s'autorise, elle aussi, de la vérité ; de la vérité que l'on sait, celle qui parle" . La vérité première que l'analyse renvoie à la science, est que tout effort de "scientifiser" une connaissance ramène néanmoins au sujet, non pas le sujet supposé maître de la connaissance mais le sujet divisé (dont le premier n'est qu'une partie, une moitié). Le sujet visant (le savoir) est déjà lui-même une division du sujet. Mais l'objectivation scientifique oblige à mettre entre parenthèse cette division, à la forclore, comme le dit Lacan. Concernant ensuite le problème de la classification des sciences, il s'éclaire justement de cette forclusion du sujet qui intervient différemment en fonction des objets à connaître et des procédures mises en œuvre pour chaque science. Comme le suggère Joël Dor, il faut recourir à deux repérages princeps. Le premier est celui qui nous permet de reconnaître, parmi les objets de la science : a) les objets formels et purement abstraits, b) les objets de la nature, c) les objets humains. Le deuxième s'avère moins ontologique que structurel, puisqu'il tient tout entier dans la différence (et aussi dans la relation) élémentaire théorie/pratique. Chaque science, intrinsèquement, évacue plus ou moins radicalement le sujet en fonction du type de rapport qu'elle instaure entre ses protocoles cognitifs et une pratique donnée. Mais l'on peut aussi rappeler la grande division opérée par Aristote entre "sciences théoriques" et "sciences pratiques". "Sur le fait de cette distinction, écrit Joël Dor, il est possible d'établir en quoi le niveau de réductibilité du rapport d'une connaissance constitue de façon pertinente un bon moyen de cerner ce que je nommerai "les indicateurs de forclusion du Sujet". En sorte qu'on pourrait même dire que la présence des "indicateurs de forclusion du Sujet" y est directement proportionnelle à l'élimination des "indicateurs de subjectivité" dans la mise en application des protocoles de scientifisation" . La première sorte d'indicateurs renvoie aux opérateurs logico-mathématiques introduits dans le discours, tandis que la seconde renvoie à ce que Russell nomme les "particuliers égocentriques". Il va de soi que la densité des premiers est maximale dans les mathématiques, en tant que "science" des objets formels purement abstraits, alors que les seconds investissent en priorité le discours des sciences humaines. Le critère intrinsèque reste toujours la plus ou moins forte réductibilité de la connaissance théorique à la pratique ; et ce n'est pas autre chose qui fonde la répartition entre les sciences théoriques et les sciences pratiques, avec respectivement pour limites les mathématiques et l'histoire (d'après G.-G. Granger). Le caractère signifiant (ou "qualitatif") des faits humains s'oppose en effet à leur objectivation complète et à un recouvrement subséquent de l'expérience par la théorie. (certes…) C'est ce qu'indique entre autre cette affirmation de Lacan : "Il n'y a pas de sciences de l'homme, parce que l'homme de la science n'existe pas, mais seulement son sujet" , recentrant fort à propos le "qualitatif" sur le "subjectif" (à cet égard, Joël Dor qui associe la "surdétermination de l'événement" à l'"intersubjectivité" nous paraît compléter Lacan inutilement, la théorie du sujet chez ce dernier incluant une critique de l'intersubjectivité comme ressortissant à l'imaginaire). En revanche, côté mathématiques, la connaissance et la pratique se confondent idéalement - il faudrait même dire imaginairement puisqu'à ce titre la mathématique peut donner l'illusion de traiter directement du réel (alors qu'évidemment elle ne traite pas du réel mais de l'Etre, comme le pense A. Badiou, soit ce que Lacan a toujours tenu pour l'Imaginaire). Entre les mathématiques pures et les sciences humaines, les sciences dites "exactes" cantonnent leur imaginaire dans le rapport, cette fois existant, entre les modèles abstraits fabriqués et les purs phénomènes ; c'est-à-dire que, tout en maintenant une coupure entre modèle et phénomène, la science établit la possibilité efficace d'un passage du premier au second et nourrit ainsi l'illusion que le modèle participerait quand même du réel. (Ce n’est pas une illusion, ou c’en est une de croire que ces modèles pourraient être parfaits et définitifs, mais cela n’en est pas une dans la mesure où ces modèles existent et qu’ils sont de mieux en mieux corroborés) L'"exactitude", selon Granger, désigne justement l'articulation idoine du modèle au phénomène : elle doit être optimale dans la discipline historique ; tandis que la "rigueur", attribuée par lui aux modèles abstraits, concerne essentiellement les mathématiques qui, à défaut de toute visée objectivante et donc de phénomène, sont inversement d'une exactitude "nulle". Vu leur situation limite, on peut même dire qu'elles ne constituent pas une science, si toutefois on admet la réciproque pour l'autre extrême, c'est-à-dire pour l'histoire. Il est temps de situer dans ce tableau la psychanalyse. Sur ce plan Joël Dor complète efficacement Granger. En fonction du paradigme nouveau fourni par la psychanalyse, qui n'est plus le sujet de la connaissance mais le sujet divisé (sujet du désir), mais qui n'en est pas moins le fondement de toute science et de tout discours, il propose de nommer le mouvement vers la rigueur logico-mathématique "vecteur de forclusion du sujet" et le mouvement inverse vers l'exactitude "vecteur d'indicateur de subjectivité" . On a déjà mentionné la dimension parfaitement imaginaire du processus mathématique, où le sujet est dit "suturé", quasiment identifié à la production même de l'objet, donc réduit au sujet de la connaissance. Et donc le diagramme qui, chez Granger, pouvait répartir les termes rigueur/mathématique d'un côté, exactitude/histoire de l'autre, le cède à un nouveau qui pour l'essentiel voit la psychanalyse se substituer à l'histoire, en ce point extrême où la dernière des sciences humaines (au sens de "sciences pratiques") se découvre également des perspectives éthiques.

Cela paraît la seule voie offerte dès lors que ces sciences dites "humaines", psychanalyse incluse, tournent le dos à l'essence rien-qu'humaine et individuale de la science pour se focaliser sur le sujet divisé, ce sujet du désir (anciennement du devoir) méritant bien le nom de sujet de l'éthique. Comme le dit en substance F. Laruelle, les sciences humaines existantes ne sont pas des sciences et se préoccupent fort peu réellement des hommes. (Mais la psychanalyse n’a toujours pas corroboré la fait que les hommes soient tous des sujets divisés, elle l’a seulement affirmé de manière dogmatique, quasi-autoritaire, voire en tentant d’interminables logorrhées, elle a posé cela en vérité révélée, comme sortie du Néant). On se souvient que, pour Lacan, "l'homme de la science n'existe pas, mais seulement son sujet". Laruelle inverse cette proposition, mais inverse également l'ordre de priorité entre l'homme et la science : afin que l'homme ne soit plus jamais de façon réversible sujet ou objet de science, il le définit comme la cause unilatérale et la cause réelle de la science. (Pourquoi pas) La question du "sujet de la science" s'en trouve définitivement relativisée, et avec elle le problème d'une classification de ce qu'il faudrait plutôt appeler maintenant les "sciences du sujet" - où la psychanalyse, sans conteste, peut jouer un rôle théorique déterminant, se poser comme la théorie générale du sujet. (Et se soumettre alors aux " réquisitions épistémologiques poppériennes "…). A condition bien sûr que celui-ci soit son "objet" et non plus son réel implicite, bref qu'elle renonce au principe d'analyse suffisante et qu'elle s'affecte du "non" (non-psychanalyse) symbolisant ce refus.

Il est vrai néanmoins que sous l'impulsion de la psychanalyse, la réflexion épistémologique tend à se radicaliser, cherche de plus en plus à exhumer les fondements philosophiques, métaphysiques, de certains de ses objets voire de son objet principal : la science. A quel réel la science a t-elle à faire, autrement dit à quelle classe d'"étants" appartiennent ses objets ? Si l'on prend la fourchette la plus large, la science réduit déjà par principe les étants à l'ordre du connaissable ; mais surtout elle ramène de façon caractéristique le connaissable au seul phénoménalisable, et cela au moyen de paradigmes propres à chaque discipline qui établissent les règles de validité pour qu'un étant accède au rang de phénomène. A la suite de Heidegger, M. Fennetaux pense déceler un ""pari sur l'étant" qui est un présupposé métaphysique, en ce sens qu'il anticipe une propriété d'essence de l'étant : celui-ci est supposé disponible à l'exercice des paradigmes qui instituent les phénomènes" . C'est-à-dire que tout étant, qu'il entre ou non dans le moule des paradigmes du phénoménalisable, qu'il y entre tout entier (en tant qu'être) ou non, se trouve de toute façon réquisitionné pour le questionnement de la méthode. (Certes) Il sera ensuite intégré par un des paradigmes en vigueur ou, à défaut, occasionnera l'invention d'un nouveau paradigme ; une troisième issue équivaudrait tout simplement à son inexistence ou sa négation comme étant : à tout le moins, l'on conclurait du non-phénoménalisable au non-connaissable, et à sa mise à l'écart plus ou moins définitive. La science ne connaît que ce qu'elle re-connaît, ne présente que ce qu'elle re-présente, etc., projetant sur le monde sa méthode avant même de le connaître de sorte que ses résultats mêmes sont entâchés d'un forçage initial de l'étant. (Tout cela pour éviter de dire qu’aucune science ne peut approcher les " étants " sans risquer quelques conjecture, quelque théorie. Mais il n’y a de ce point de vue, aucun " forçage initial de l’étant ") L'on est donc autorisé à parler, comme Lacan, d'une "épistémologie sphérique" en général, malgré la différence introduite par Koyré entre l'"univers infini" des modernes et le "monde clos" des anciens, car cette nouvelle caractérisation lacanienne, de type topologique, suppose une approche générale de l'étant justement non-sphérique, non-circulaire mais, nous le verrons, borroméenne. Puisque la connaissance scientifique (et sans doute philosophique) ne peut mettre à jour sa propre essence de vision (eïdos) et le rapport au corps qu'elle implique, il faut changer de paradigme et ramener l'étant qui parle, le parlêtre, à sa di-vision par les signifiants et à sa cause sexuelle. (… ! ! N’importe quoi). Ce qu'il y a à reconnaître de plus singulier en chaque sujet, n'est donc pas son "individualité" (fantasme imaginaire de totalité) mais sa "division" qui fonde proprement son unarité. C'est pourquoi "la démarche des sciences empiriques est explicative et, à ce titre, elle échoue structurellement à rendre compte du singulier, car toute explication du singulier implique son ratage" . Il faut voir dans ce paradoxe une caractéristique topologique, par exemple celle de la bande de Mœbius où continuité et rupture se conjoignent en une torsion unique. En langage philosophique, il n'est plus question d'un "ramener-à-soi" technique et rationnel mais d'un advenir-vers-soi indéfini, seule possibilité sur fond d'impossible. Par opposition à la science, la psychanalyse peut alors se "définir comme une pratique des singularités subjectives" (Mais cette pratique, pour approcher ces singularités subjectives, a besoin d’énoncés universels, de théories. La question revient donc toujours : comment ses théories permettant la pratique sont-elles établies ? On retombe encore une fois sur l’impossibilité d’éliminer le questionnement épistémologique indépendant à la psychanalyse). Ainsi l'épistémologie de la psychanalyse, soit ici (Fennetaux, Dor, etc.) l'étude des fondements communs ou respectifs du discours analytique et du discours de la science, conduit comme il fallait s'y attendre à une critique de ce dernier. Qu'en est-il, dans ces conditions, du discours épistémologique ?

On ne peut pas feindre d'ignorer la parenté de ces analyses avec les thèses heideggeriennes, tant en ce qui concerne la critique de la science que la définition de la vérité comme alèthéia par et dans le langage. Certes la référence constante au "sujet" reste propre à la psychanalyse, mais de l'être-là ou du parlêtre (rigolo), à la division par le signifiant près, on peut dire également qu'il est "vérité inaugurante de lui-même" , qu'il demande à être pensé comme dévoilement (de) lui-même, avènement, etc. Si le texte de Fennetaux abonde explicitement dans ce sens, il n'est cependant pas possible de confondre la théorie lacanienne avec la philosophie heideggerienne, non seulement parce que le "réel" lacanien n'est en rien comparable avec l'Etre des philosophes mais parce que la notion même d'"avènement du sujet", notamment rapportée à la finalité de la cure, doit être associée de façon équivoque à celle de "destitution". Et Fennetaux se trompe lorsqu'il attribue la résistance - Lacan dit : l'"horreur" - que le psychanalyste conçoit vis-à-vis de son acte à l'angoisse devant le surgissement de la parole, car il s'agit bien plus d'une horreur de la déchéance (du déchet 'a' qu'il est en l'occurrence) que d'une haine de l'avènement. Mais n'entrons pas dans ces détails. La pensée capable de tenir front à la science et à son "arraisonnement" (Heidegger) - Fennetaux l'appelle : une "étantologie psychanalytique" - doit être à la fois rationnelle et irrationnelle, subjective et communicante : disons que sa cohérence discursive propre sera celle d'un style. L'auteur avoue quand même avoir "scrupule à user du terme d'épistémologie, de crainte qu'il ne puisse pas convenir pour le style" . Puis, se ravisant : "Pourtant le lexème "logie" fait encore signe pour nous vers le legô où il a son origine et qui désigne le dire qui rassemble ce qui s'offre à la récolte. De plus, il y a à entendre dans "épistémo", le sens premier qui est à sa racine : epistamaï, c'est "se tenir tout près de", "s'installer au milieu de"" . Nous voilà presque rassurés : l'épistémologie appliquée à la psychanalyse, ce n'est jamais que le discours psychanalytique lui-même assorti d'une vocation critique et historique accrue, un discours surtout plus vigilant et moins dogmatique, capable de redonner voix aux singularités subjectives. Il était d'ailleurs fatal que l'abandon du projet de scientification de la psychanalyse débouchât sur le rejet de l'épistémologie au sens habituel du terme. Cela ne résout pas, loin s'en faut, les difficultés qui demeurent dans l'évaluation des compétences et surtout des performances théoriques du discours analytique. En effet, nous n'avons pas oublié qu'un des objectifs de Fennetaux était de donner une consistance à la "praxis" analytique définie doublement comme pratique et théorie. Or, au terme de l'ouvrage de Fennetaux, l'on cherche vainement les fondements d'une consistance théorique par-delà la référence à la pratique. On peut donc légitimement se demander si l'auteur ne pousse pas trop loin la mise en crise du discours analytique, et si son propre discours ne tombe pas finalement dans une sorte de contradiction performative, se trouvant dans la situation classique de l'"arroseur arrosé". En effet, rappeler l'incontournable expérience analytique comme alpha et omega de la psychanalyse, mais constater ensuite que l'accumulation des données cliniques ne constitue pas même un matériau empiriquement fiable pour la construction de modèles théoriques (tels les fameux "mathèmes" lacaniens), affirmer ensuite que le discours analytique se perd non seulement à vouloir "faire science" mais à se constituer en théorie originale, tout cela ne revient-il pas à renouer avec des arguments triviaux - où le rejet naïf de l'apport épistémologique au nom d'une mythique "pureté" analytique conduit en fait à l'anti-psychanalyse "primaire" -, arguments critiqués par l'auteur lui-même dans la première partie de son livre ? Pourtant la référence au "style" se veut l'indice ultime d'une consistance discursive (non théorique dans son principe) appropriée à la psychanalyse, ce qui veut dire que par-là ce discours s'approprie ses objets (les singularités subjectives) en se rendant "proche" (accueillant, à l'écoute, etc.) de ce qui est à penser à leur sujet et qui en pro-vient directement. Le style, c'est à la fois "le parlêtre qui se manifeste comme tel" , qui se dévoile et ad-vient dans la mise en œuvre de sa vérité, mais c'est aussi sa reconnaissance par l'autre et sa capacité d'interférence avec l'autre parole, l'autre singularité, etc. La consistance d'un style pourrait presque se définir comme une capacité singulière de "nouage" à différents niveaux. Avec lui on retrouve le sens même de la "praxis" qui conjoint notamment les aspects pratique et théorique, c'est-à-dire au fond parole singulière et interlocution, inséparables en tant qu'"elles sont nouées par leurs contradictions" . On reconnaît aisément la décision analytique par excellence, quasiment de dernière instance, qui fait de cette discursivité fondée sur le singulier d'un style et l'unité duelle d'une praxis une authentique "formation de l'inconscient". "Il y a de l'inconscient" puisque ses formations sont palpables (elles ne sont rendues " palpables " que grâce à une théorie expressement construite pour les palper. Ce qu’il faudrait à la psychanalyse, pour palper le gros lot de la scientificité, c’est qu’elle nous prouve qu’elle a pu palper l’inconscient de manière empirique, indépendante et extra-clinique. Bonne nuit !), ou "il y a du symptôme" : le discours analytique ne peut finalement justifier cette allégation qu'en se faisant lui-même symptôme, donc discours divisé, mi-dire, etc. Or le symptôme comme le signifiant appelle toujours un autre symptôme, une singularité n'existe que par la possibilité d'une autre, et il est inévitable que ce qu'il y a à penser du "un" s'indique comme retour impératif au "deux", reconnaissance, envisagement, pensée de l'"autre" - ce qui nous engage bien entendu, une nouvelle fois, dans la voie de l'éthique.

La psychanalyse rencontre l'éthique à partir du moment où elle affirme qu'il n'y a pas d'auto-fondation, pour elle comme pour les autres discours, et qu'il y a lieu de viser ce toujours-autre-absent qui lui sert de fondement : telle est la position de l'éthique. Si la science repose sur un acte de penser qu'elle ne peut que forclore parce qu'il n'est pas de son ordre, le minimum d'éthique qu'on puisse attendre de la science est qu'elle tolère une place à côté d'elle (mais elle " tolère déjà à côté d’ elle " l’épistémologie à qui elle offre une place privilégiée pour critiquer ses méthodes, pourquoi devrait-elle alors " tolérer " les superstitions ou les mythologies dogmatiques voire autoritaires comme la psychanalyse qui prétendent la chapeauter ?) où la pensée singulière puisse manifester qu'elle existe sans encore s'affirmer pleinement (on pourrait montrer que ce n'est rien d'autre que le principe de démocratie). Que sera donc la fonction éthique de la psychanalyse - et particulièrement sous sa forme épistémologique - sinon de montrer que l'ensemble des discours - appelons-les "fictions", à ce stade -, ne repose en vérité que sur le vide d'un "puits sans fond" (c’est le discours psychanalytique, affublé de sa terminologie ridicule et snobinarde qui est un " puits sans fond "). C'est pour le discours psychanalytique la seule façon de ne pas occuper une position de surplomb vis-à-vis de tous les autres (…) . En acceptant l'idée d'une causalité par le vide, on reconnaît du même coup l'égalité de toutes les fictions au moins par rapport à cette cause. Il faut reconnaître que la psychanalyse a su apporter à cette question du fondement une réponse claire et cohérente, bien que circulaire (il ne peut y avoir d’explication ou de réponse véritable qui soit circulaire) , pouvant s'énoncer : "le sens procède donc éminemment du non-sens, auquel il supplée sur le mode du symptôme" . L"étantologie ( ? ? ? ?) psychanalytique" est et a toujours été une symptomatologie, dont on pourrait montrer le lien plus ou moins étroit avec l'éthique philosophique ; il y a toujours une cause clinique à un problème éthique, il y a toujours lieu de constater que quelque chose ne va pas ou va de travers, quelque chose a mal ou fait mal, etc., et qu'il faudrait trouver le moyen actif de faire cesser cela ou bien de faire avec. Elle s'est dotée pour cela, depuis Lacan, d'un outil irremplaçable dont la puissance métaphorique - c'est-à-dire symptomale, justement - est considérable : la topologie. Le nouage, ou plutôt le coinçage (selon certains) des trois ronds nommés "réel", "imaginaire" et "symbolique" n'est possible que par le hors-scène et le vide de leur intersection, lieu de la cause du désir ou de l'objet 'a'. Cette cause étant radicalement inaccessible, tant à la connaissance qu'au mouvement même du désir, tous les discours qui tentent de le cerner ou au contraire de l'éviter sont des fictions à parts égales et à part entière. La topologie lacanienne, à cet égard, fait figure de métaphore tellement elle constitue à l'évidence une "cause perdue". C'est encore le point de vue de M. Fennetaux : "En choississant un domaine d'objets qui, sans aucune ambiguïté (...) ne sont accessibles à la pensée que sous la forme d'une écriture formalisée en dehors de laquelle ils n'ont aucune intelligibilité et en empruntant conjointement la porte qui rend impossible l'accès à ces objets et à l'intention la plus expresse de son discours, Lacan faisait aux analystes une interprétation, que peu d'entre eux ont entendue : sans relâche et au prix de ses propres achoppements, il métaphorisait la complète hétérogénéité de l'objet de la science et de l'objet de la psychanalyse" . Faire de la topologie lacanienne, non l'avancée ultime de la théorie mais l'expression la plus singulière de la parole de Lacan (jusqu'à son épuisement), marque une option épistémologique dont nous devons prendre la mesure. Seule l'éthique, désormais, pose qu'"il y a à" ménager cette place du 'a', à l'interroger à partir de la parole de l'autre sans céder à la "jouissance d'appartenir, habilement dissimulée sous la certitude d'être du côté du Vrai" . Reste à soutenir le paradoxe qui ferait de la psychanalyse une fiction comme les autres, tout en ayant un statut particulier de ne jamais prétendre "dire le vrai sur le vrai" (Lacan), mais de promouvoir à la fois la parole singulière en pratique et une vision épistémologique élargie en théorie. Naturellement cette dernière mention ne renvoie pas à un vulgaire éclectisme, qui serait une "mauvaise" façon de se perdre, mais devrait contribuer à creuser l'écart entre l'intérêt immédiat "de" la science et l'intérêt "pour" celle-ci. De notre point de vue il faudrait plutôt écarteler de la sorte le concept d'"épistémologie", dont M. Fennetaux n'a finalement pas esquissé la moindre critique ; comme si finalement cet enjeu théorique comptait peu au regard de l'engagement subjectif seul vraiment capital, à savoir "pour "chaque un", la nature et la racine réelles de son attachement à la psychanalyse" .

D'autre part, selon Fennetaux, la question de l'éthique concerne traditionnellement deux objets ou deux domaines que la psychanalyse, pour y être quotidiennement trempée, doit également aborder avec le regard critique qu'elle revendique désormais : c'est la question du "temps présent" et celle des "institutions", qui vont nous servir à tester les conséquences ultimes de l'option néo-épistémologique. Il est clair que si le techno-scientisme de masse constitue l'idéologie archi-dominante de notre temps, et la manifestation ultime des Lumières de la Raison, la psychanalyse qui prend le parti exclusif des singularités subjectives ne peut moins faire que de témoigner du danger que représente de manière intrinsèque non seulement l'arraisonnement technique mais aussi tout procès universel d'acculturation. A vrai dire la psychanalyse paraît idéalement formée pour contredire la poussée mondiale du techno-scientisme. (Il faudrait plutôt dire que la psychanalyse est une mythologie qui a acquis assez de puissance et d’influence pour faire reculer le rationalisme critique qui constitue la véritable éthique de la science. En continuant d’exister au mépris de toute approche critique rigoureuse, cette mythologie s'affirme comme un des plus grands dangers, une des plus grande " poussée " contre le progrès de la société ouverte). Elle a sans doute les meilleurs commentaires ou interprétations à faire au sujet du plus grand crime contre l'humanité jamais commis avec la Shoah, révélée enfin comme une "entreprise industrielle de forclusion du signifiant du Nom du Père" (" Révélée enfin ", voilà se qui caractérise la " méthode scientifique " pour les psychanalystes : nous faire des révélations, sortir des lapins de chapeaux de magicien, nous en " initier " en ayant recours au dogmatisme et aux vertiges de la pensée magique, voire tribale, voire tragi-comique) et parce qu'utilisant et symbolisant une efficacité technique maximale, véritable "figure paradigmatique de la modernité" ... Cette intelligence et cette vigilance éthique s'expliquent sans doute partiellement par les racines historico-philosophiques juives de la psychanalyse. D'une façon générale le couple de concepts permettant de formuler éthiquement les problèmes politiques et humains en général demeure celui du Désir et de la Jouissance : là où la castration qui constitue le parlêtre (il faut arrêter…le ridicule d’une terminologie hilarante) comme désirant est rendue impossible, parce qu'est violée ou niée la médiation symbolique, s'ouvre le règne barbare et fatal pour les sujets de la Jouissance de l'Autre. - Il faudrait certes repasser tous ces arguments en revue, et en détail. La dernière raison invoquée montre bien l'encadrement notionnel et donc théorique du problème de l'éthique, et comment c'est toujours la théorie de la jouissance (purement en tant que théorie) qui a à pâtir de la "vocation" éthique de la psychanalyse. - En définitive c'est bien, sous couvert d'épistémologie, l'option de l'éthique qui donne sa raison à la "praxis" analytique et qui seule peut assumer la dualité hyper-philosophique ( ? ? ?) de la théorie et de la pratique. C'est également la solution à l'antinomie maintenant affirmée des discours scientifique et psychanalytique, car la praxis ou l'éthique déploie un espace - de parole - proprement "révolutionnaire" : "Serait-ce donc une révolution qui s'accomplirait sur une surface topologique close, donc dans un espace unilatère et inorientable ? Quand le discours scientifique et le discours psychanalytique cherchent, en vain, à se rejoindre, ne serait-ce pas parce que, en toute méconnaissance de l'espace où ils se déploient et, par conséquent, en toute méconnaissance d'eux-mêmes, ils se déplaceraient sur les faces "opposées" d'une surface où ils occuperaient des positions antipodales ? (...) Cependant la praxis analytique ne déploie-t-elle pas (...) un espace d'immersion où la danse de ce couple trouve une scène propre à rendre intelligibles les raisons de leur mutuelle fascination, comme de leur rendez-vous éternellement manqué ?" (fallait s’en douter il s’agit d’un acte manqué à grande échelle ! !) . La solution est donc donnée : derrière sa formulation topologique se trouve bel et bien l'a priori de la praxis (il ne peut y avoir d’a priori de la praxis, puisque toute praxis ou toute pratique est fondée sur des théories, mais pour cela il faudrait lire plus attentivement Karl R. Popper), c'est-à-dire la dualité théorie-pratique simplement supposée ; c'est là, on peut l'affirmer, le présupposé épistémologique par excellence (y compris au sens "originel" d'epistémè et de logos) où nous pouvons facilement repérer le principe d'une décision philosophique .

Par ailleurs, que la psychanalyse ne soit pas une science, d'après les raisons invoquées ci-dessus, n'est pas sans conséquence sur sa vie institutionnelle et plus largement politique. Si elle n'est pas une science ni par conséquent une recherche, elle pourrait bien être en revanche une invention.  "J'appelle "institution" les "lieux" de cette invention" écrit M. Fennetaux, à définir comme lieux de parole ayant la tâche de laisser se produire l'énonciation ainsi que d'éviter la sédimentation des énoncés théoriques ; à ce titre ils comptent parmi les "formations de l'inconscient" peut-être pour les moins symptomatiques, du fait d'être inventées plutôt que subies et de ne pas prétendre bétonner l'entrée de la "bouche d'ombre" dont ils procèdent. Les "lieux" de l'institution, où s'éprouve et se réitère l'acte d'invention de chaque sujet analyste (par exemple dans la passe), sont à penser au sens du "topos" aristotélicien impliquant, par-delà une conception de la métabolè et de l'entélécheia, l'advenir ou l'avènement du sujet. Dans l'institution, "ce sont les moments d'alèthéia qui font acte" . Mais cela suppose une "méthodologie institutionnelle" en tout point opposée à la prolifération des procédures et qui, dans le respect du style de "chaque un", aura à se déployer dans quatre directions c'est-à-dire traiter des problèmes suivants : l'admission des membres (fondée sur la "mise de désir" de l'impétrant), la reconnaissance (de fait et toujours ponctuelle) de l'autre analyste, la formation des psychanalystes ("privée" - c'est ce que veut dire "institutionnel" pour Fennetaux -, non associative et surtout pas universitaire), enfin la question de l'enseignement psychanalytique (un processus et non un état). On retiendra surtout le style "problématique" de cet abord institutionnel, c'est-à-dire à la fois non assertorique et non catégorique, situant plutôt cette méthodologie et le discours analytique tout entier "entre" la science et l'éthique également "pures", soit rigoureusement une éthique assortie d'une "vigilance épistémologique" . L'on ne pourra que s'étonner du classicisme philosophique de cet agencement, jamais interrogé sous cet angle par Fennetaux, et de la non moins classique triade idéaliste (Laruelle) que forment entre elles ces options : la dualité de la science et de l'éthique, surmontée par l'épistémologie de la psychanalyse, ou plutôt par la psychanalyse sur son versant épistémologique. Serait peut-être plus judicieuse et instructive, inversement, une psychanalyse de l'épistémologie... en attendant le véritable emplacement non-psychanalytique et non-philosophique de celle-ci par la science. On ne redira pas ici quelle conception mal fondée, et pour tout dire philosophique (c'est-à-dire encore proche du sens commun) de l'essence de la science prédestine l'épistémologie à commettre un tel contresens sur la psychanalyse, ramenant celle-ci à une éthique plutôt qu'à une clinique et n'atteignant pas elle-même au statut de théorie à force d'endosser la vocation seulement critique de la philosophie ; ni quelle inédite théorie de la science comme science du réel - science "à cause" du réel - autorise inversement cette allégation finale, à savoir que la psychanalyse a davantage à faire avec cette science, unilatéralement, qu'avec la philosophie et qu'avec elle-même, circulairement.
 
 

"Il n'y a rien de plus bas, et qui convienne mieux au peuple, que de parler en des termes magnifiques de ceux mêmes dont l'on pensait très modestement avant leur élévation." (in : La Bruyère, "Les caractères". Edition : Classiques de Poche. 1995, page : 452).
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