J'ai beaucoup transpiré ce
jour-là. Je me souviens c'était au cours d'un stage d'entraînement
à Tarbes : les hongrois étaient là et, j'ai reçu
ma première leçon au plastron avec le Maître Sandovari
(je n'en avais jamais reçu auparavant puisque René ne pratiquait
que l'entraînement collectif). Ce fut une leçon particulièrement
difficile, au cours de laquelle le Maître me fit exécuter
des enchaînements de parades et ripostes à partir du second
système (parade de prime - riposte en coupé tête, puis
parade de seconde ou quinte - riposte figure à droite, ripostes
exécutées soit de la position de garde, soit avec un marché-fente,
en fonction de la distance, avec amplitude et vitesse maximale...). Ce
que je croyais être mon point fort se révéla alors
comme un point faible tant le Maître su mettre en évidence
le manque
de relâchement, bref, de disponibilité,
chose absolument nécessaire au sabre (comme du reste aux autres
armes..). Le Maître Sandovari fut probablement un des meilleurs maîtres
d'armes de l'école hongroise de l'époque, donc, pour tout
dire, un des meilleurs du monde, avec les maîtres de l'école
soviétique, qui ont formés des sabreurs comme Krovopouskov,
qui devint plus tard mon modèle, Bourtzev ou Mindirgassov. Mais
même si la leçon au plastron se révèle indispensable
pour atteindre le très haut niveau (Championnat du Monde Seniors
ou Jeux Olympiques), le Maître Geuna a démontré avec
le succès que l'on sait, qu'une leçon collective, animée
avec passion et une grande compétence pédagogique et technique,
pouvait largement s'y substituer pour amener des jeunes à un niveau
international junior, et leur donner des bases techniques et physiques
très solides pour en faire d'exellents séniors (les cas de
Delrieu, Guichot, Touya, et Leclerc, sont, je pense très représentatifs).
Personne, parmi les anciens sabreurs
tarbais qui étaient à l'INSEP en même temps que moi,
ne peut contester la valeur du Maître Laslo Szepezi, et ce malgré
les diverses dissensions qui ont
précédé son départ. Je me souviens qu'à
ses débuts comme entraîneur à l'INSEP, il infligeait
régulièrement des "dix-quatre" ou
des "dix-cinq" à Jeff (Jean-François
Lamour). Il était nettement plus fort, comme tireur, que n'importe
lequel des meilleurs sabreurs français de l'époque. Les corrections
et les conseils qu'il nous donnait à la leçon au sein de
l'éventail de toutes ses connaissances techniques, étaient
toujours très précises et parfaitement adaptées, autant
que je puisse en juger, bien sûr. Mais ses exigences étaient
souvent sans limite apparente, et il fallait pouvoir les supporter, je
veux dire, il fallait être capable de les supporter. C'est grâce
à l'extraordinaire qualité de son entraînement que
Jean-François Lamour a pu conquérir le palmarès que
l'on sait. Mais que l'on ne s'y trompe pas : Jeff a réussi l'impossible,
avec son propre talent, et, j'en fus le témoin, une persévérance
et un perfectionnisme acharnés à l'entraînement. Il
a réussi en partant, pourrait-on dire, de zéro, puisqu'en
France, à l'époque, il n'y avait personne pour soutenir la
conversation aux Krovopouskov, Bourtzev, et autres Maffei, à part
lui. Ses deux titres de Champion olympique et son titre de Champion du
Monde le placent à tout jamais, très haut dans l'histoire
du sport national (et international), et un tel palmarès reste très
difficilement accessible pour n'importe quel autre sportif, quelle que
soit la discipline. Nous lui devons cet hommage parce que la relative indifférence
des médias envers lui et pour les extraordinaires et réguliers
exploits des escrimeurs français en général est pour
le moins étonnnante... C'est également grâce au Maître
Szepezi que Franck Leclerc à acquis le niveau pour vaincre en Coupe
du Monde. Mais puisque tout ceci ne peut que raviver certains ressentiments,
rappelons encore que ce travail n'a pu être lui-même possible
que parce qu'il y avait déjà une base très solide
et motivée, grâce notamment (je ne peux citer tout le monde)
à l'oeuvre du Maître Geuna, et aussi du Maître Parent
(le Maître d'armes de Jeff) et que Lazlo Szepezi aurait du, sans
aucun doute, davantage le reconnaître.
La page est tournée. Le Maître Christian Bauer, a accompli un énorme travail (la succession d'un Maître comme Szepezi ne pouvant que laisser perplexe) : tout le monde peut voir les résultats des sabreurs ces dernières années aux Championnats du Monde et aux Jeux Olympiques. Avec l'arrivée d'anciens sabreurs de haut niveau dans le rang des entraîneurs, le niveau d'ensemble des Maîtres d'armes français au sabre s'est aussi amélioré et a sans doute rejoint celui des Maîtres au fleuret ou à l'épée, voir par exemple le travail de Franck Leclerc puis de Pierre Guichot (ex. membre de l'Amicale Tarbaise d'Escrime) avec Anne-Lise Touya (n'oublions pas, à ce titre le remarquable travail fourni les Maîtres St-Mézard et Baylac de l'A.T.E).
Tout cela, donne finalement un beau
tableau et constitue une belle histoire qui ne peut que renforcer notre
optimisme pour le futur de sabre français.
Lors de ce match opposant
Jean-François Lamour (à gauche) à Philippe Delrieu
(à droite) et qui eut lieu au gymnase Massey à Tarbes,
Jeff réussi
à prendre un temps d'escrime en réalisant une contre-attaque
à la tête sur le fléchissement du bras de Delrieu qui
avait pourtant pris la priorité
par une action offensive...à
droite touché !
Un duel fratricide : Laurent Van Den Reysen contre Patrice (de face) :
Attaque en flèche
de Patrice...
Sur cette action
simultanée des deux tireurs, Gedovari (à gauche) continue
son action offensive par une attaque portée
à la tête
alors que je suis en train de fléchir mon bras pour tenter une parade
(en seconde intention)
en vue d'une riposte...je
suis donc touché sur cette photo.
A cette époque,
je n'aurais jamais imaginé que bien des années plus tard,
mon ami Franck Leclerc parviendrait à battre un tel sabreur
en finale du tournoi
de Coupe du Monde de Hanovre par...10 touches à 7 !
Sur cette autre action
simultanée, Gérévich à gauche sur la
photo, (Champion du monde sénior en titre de l'époque) réussi
une parade riposte de tierce
en opposition alors
que je tentais une attaque au flanc : il me touche par un coup de pointe
au torse tout en exécutant dans le
même temps une
parade de tierce de mon attaque...
...je précise,
pour ma défense, que sur ces deux photos je n'étais que cadet
deuxième année bénéficiant d'un double surclassement
pour tirer contre
les séniors (c'était lors d'une rencontre amicale à
Tarbes contre l'équipe nationale de Hongrie de l'époque).
Comme vous pouvez le constater,
l'arme n'était
pas encore électrifiée, et l'arbitrage d'un assaut
nécessitait un président de jury et quatre assesseurs.
...Complètement
"à la rue" sur cette photo : Gérévitch (à gauche)
termine une attaque composée en flèche,
alors que je tente
une parade de quinte en passe arrière...
De gauche à
droite :
Maffei (Italie),
Bourtzev (URSS), Gérevitch (Hongrie), Gédovari (Hongrie),
Krovopouskov (URSS),
Aliokhine (URSS),
Bierkowski (Pologne), Wodke (Pologne).
Le premier match
de la finale entre Maffei (à gauche) et Bourtzev (à droite)...7
touches à 7 sur un match en dix touches
qui sera remporté
par l'italien.
...Attaque simultanée
: Maffei (à gauche ) touche Bourtzev de la pointe, et Bourtzev vient
juste de porter une attaque à la tête. Les deux tireurs ont
réalisé un "marche-et-fente".
En haut à gauche,
on aperçoit Gédovari en train d'observer le match, il affrontera
son compatriote Gérévitch.
Le match pour la médaille d'or...Gédovari mène alors 3 touches à 2.
Sur cette photo , on
voit le dernier match du tableau final de sabre ayant opposé le
hongrois Gédovari (à gauche) au polonais Wodke (à
droite)
lequel remporta la
titre à la suite d'une lutte acharnée et de toute beauté.
La victoire de Wodke fut une énorme surprise surtout face à
Gedovari
nettement supérieur
techniquement. En fait, on peut dire qu'à part Wodke, presque tous
les autres sabreurs de cette finale auraient pu s'imposer, je pense à
:
Gérévitch,
l'italien Maffei qui termina troisième, et surtout le soviétique
Viktor Krovopouskov, qui après avoir infligé un très
sévère "10 - 5"
à Jean-François
Lamour lors des éliminatoires, paru un peu "à côté
de ses pompes" pendant la finale. Les autres sabreurs de cette finale,
tels le polonais Bierkowski
ou le soviétique Aliokhine ont fait plus que de la figuration. Quant
à Bourtzev qui impressionnait avec
son jeu de jambes
et la pureté de sa technique, il fut décevant en quart de
finale, face au très expérimenté et roublard italien
: Michele Maffei.
Lors de cette action,
Wodke semble toucher Gedovari en poursuivant une attaque composée
: Gedovari paraît bloqué sur ses jambes en train de rechercher
une parade de quarte.
Autre possibilité
: sur la préparation d'attaque de Gedovari, Wodke réussit
une attaque composée sur la préparation, qui, après
avoir feinté et entraîné Gedovari en parade de quarte,
réussit à le toucher à la banderolle (de l'autre côté,
puisque Gedovari est gaucher)...Mais si on observe bien la position du
pied de la jambe gauche de Gedovari (à gauche) légèrement
tourné vers l'intérieur, et le transfert du poids du corps
apparemment sur sa jambe arrière droite et surtout le fait
qu'il soit presque dans ses "deux mètres", il semble que c'est la
première solution qui soit la plus plausible.
Sur cette photo, on
peut s'apercevoir que les gradins sont vides ! En fait l'essentiel des
"spectateurs" était constitué par les tireurs éliminés,
les entraîneurs et autres accompagnateurs,
les journalistes,
et les passionnés comme mon frère et moi qui ont fait le
voyage pour tenter d'apprendre quelque chose.
Le podium :
De gauche à
droite :
Gédovari
(Hongrie), Wodke (Pologne), Maffei (Italie), Aliokhine (URSS), Gérévitch
(Hongrie),
Krovopouskov (URSS),
Bierkowski (Pologne), Bourtzev (URSS).