La "guerre des psys", Elisabeth Roudinesco
et les médias français.
(mis à jour : 11/09/2005)




 

        Chers internautes,
 
 
 

        La récente publication du "Livre noir de la psychanalyse", co-écrit par près de 40 spécialistes, dont certains de renomée mondiale, a, comme il fallait s'y attendre, déjà suscité bien des émois chez les ayatollahs freudiens.
        Comme toujours, Madame Elisabeth Roudinesco n'a pas manqué d'occuper les devants de la scène, marquant ses interventions avec la méthode désormais reconnue de tous et qui est sa marque déposée.
        Le Nouvel Observateur, a été le premier à ouvrir la polémique en présentant honnêtement et courageusement le livre, dans son  n° 2130, grâce à un article d'Ursula Gauthier vilipendé par Madame Roudinesco, l'accusant d'être "depuis longtemps favorable au TCC". Précisons au passage, que selon Ursula Gauthier, Elisabeth Roudinesco, a tenté, de dissuader le Nouvel Observateur de publier des extraits du livre qu'elle subodorait déjà antisémite (!), et de mettre en lieu et place, une interview de sa propre personne ! Encore une tentative pour éradiquer l'information avant qu'elle n'atteigne le public.
        Suite à l'article d'ouverture de Madame Gauthier, un débat, entre deux personnalités des deux camps opposés contentera les fervents de la discussion critique : Le Professeur Jacques Van Rillaer, pour "Le livre Noir..", et Monsieur Alain de Mijolla pour la psychanalyse. Il est vivement recommandé aux internautes de s'y reporter.

        Mais dans son n°2827, L'Express, sous l'entremise de Gilbert Charles, offrait, à la vitesse du son,  à Elisabeth Roudinesco sa propre tribune libre afin de mener sa contre-attaque, seule, sans aucune partie adverse pour s'opposer à ses arguments mensongers et outranciers. A la vitesse du son, ai-je écris, et c'est un euphémisme. En effet, on sera éberlué par les capacités de lecture et d'analyse fine et rapide d'un ouvrage qui fait près de 800 pages, et en si peu de temps ! Il est vrai que Madame Roudinesco a, elle, la possibilité, avec sa boule de cristal freudienne, de "lire" l'inconscient de l'ouvrage, donc son contenu...avant tout le monde. A moins qu'elle n'ai tout simplement pas lu sérieusement le livre, tout comme Monsieur Charles ce qui oblige ce dernier, s'il ne veut pas copier Le Nouvel Observateur qui a en publié de nombreux extraits, à soit l'occulter complètement avec ses auteurs, soit prendre parti pour la pensée unique dominante du moment, celle qui fait vendre, l'honorable psychanalyse, qui serait selon Madame Roudinesco le dernier rempart contre l'antisémitisme, le libéralisme effréné, et le techno-scientisme.
        Gilbert Charles signe par la même occasion un exploit dans les annales du journalisme : pas un seul des auteurs du Livre noir  n'a été convoqué pour le défendre ou même pour en justifier le contenu, et surtout pas pour risquer d'anéantir publiquement les arguties d'Elisabeth Roudinesco. (Pour ma part, j'ai rêvé d'une discussion publique entre la dame, et un certain Mikkel Borch-Jacobsen, voire Adolf Grünbaum...ceux qui connaissent les travaux de ces philosophes et leurs  jugements sur Madame Roudinesco savent à quoi je pense).
        Après ça, lorsque l'on demande à Monsieur Gilbert Charles, tout simplement "pourquoi ?", ce dernier répond "qu'il ne souhaite pas entrer dans ce genre de débat". On notera au passage le sort réservé à Monsieur Jacques Bénesteau, auteur des "Mensonges freudiens" et qui est toujours implicitement présenté comme coupable de négationnisme, car, comme le dit Gilbert Charles, Bénesteau n'a toujours pas fait appel suite au procès perdu contre Elisabeth Roudinesco (...). Procès dont l'issue aurait due lui être favorable étant donnée l'incontestable teneur mensongère et diffamatoire des propos d'Elisabeth Roudinesco au sujet de son livre (nous en avons fait la démonstration dans un autre article sur ce site).

        Ainsi, comme L'Humanité, Le Monde, et la chaîne de télévision Arte, L'Express offre, selon un procédé dont la partialité ne peut éviter de choquer et de passer  inaperçue,  l'occasion à Madame Roudinesco de donner  libre cours, sans aucun frein ni garde-fou à ses méthodes. Qui osera y mettre un terme, en utilisant les armes du courage intellectuel, de l'indépendance d'esprit et du jugement critique  ?
 

        Nous publions sur cette page une lettre adressée à Monsieur Gilbert Charles par Monsieur Laurent Beccaria, directeur des Editions les Arènes, en réaction au contenu scandaleux des propos de Madame Roudinesco lors de son interview publiée dans L'Express.
 

La voici :
 
 

Objet : Droit de réponse à Elisabeth Roudinesco
Cher Monsieur,


Vous avez publié une interview d’Elisabeth Roudinesco qui met gravement en cause la réputation des éditions Les Arènes que je dirige. Je vous demande donc de publier le rectificatif suivant:

Elisabeth Roudinesco, dans l’Express du 5 septembre 2005, accuse les éditions Les Arènes de s’être rendues coupable d’un montage, impliquant certains des 34 auteurs de dix nationalités, la plupart de réputation mondiale, dans une publication à leur insu au sein du Livre noir de la psychanalyse.
La citation exacte est la suivante: “L'ouvrage est d'autant plus pervers que, en dehors de ses cinq principaux signataires - une éditrice, un historien et trois thérapeutes comportementalistes violemment antifreudiens - il inclut également des auteurs dont les articles peuvent être des critiques de la psychanalyse ou de Freud, mais qui n'ont rien à voir avec cette position ultradestructrice et qui ont peut-être servi, à leur insu pour certains, de caution à l'entreprise. […] De nombreux textes sont des résumés de livres –déjà publiés depuis des années et connus des spécialistes- dont les idées sont déformées, isolées de leur contexte et parfois détournées.”

Les lecteurs de l’Express doivent savoir que ces affirmation sont dénuées de tout fondement.

Sur les 819 pages de texte du Livre noir de la psychanalyse (non compris index et table), je relève :

    * 705 pages de textes originaux, écrits par les auteurs pour cet ouvrage en toute connaissance de cause (les titre, intention et sommaire du livre leur ont été communiqués, nous tenons les contrats à votre disposition et je suis disposée à vous communiquer l’adresse e-mail des auteurs que vous aimeriez interroger à ce sujet).
    * 114 pages de textes déjà publiés en anglais mais non disponibles pour un public français (à l’exception du texte d’Allan Hobson, tirée de la version française de son ouvrage, publiée par Gallimard) et traduits avec autorisation des auteurs et des éditeurs : je tiens leurs accords à votre disposition.
 

Dans la première partie, les trois entretiens de Mikkel Borch-Jacobsen réalisés avec  Israëls (p. 39), Sulloway (p.49) et Isabelle Stengers (p. 87) ont été réalisés en 1993 et en 1994 pour un projet de livre qui, à l’époque, n’a pas été édité. Il sont donc publiés pour la première fois, avec l’accord des personnes interviewées qui ont clairement été informées de l’intention de ce livre. Nous tenons à votre disposition les différents mails et courriers à ce sujet.

Prétendre que ce livre n’est qu’une anthologie de textes déjà publiés est faux.
Prétendre que nous avons manipulés ou piégés des auteurs qui auraient écrit leur texte sans connaître le titre et l’intention critique de l’ouvrage où ils ont trouvé place est diffamatoire.

Accuser un éditeur de violer le droit moral de ses propos auteurs est une accusation pénale, à laquelle l’Express ne peut être associé.
 

Laurent Beccaria, directeur des éditions Les Arènes.
 
 

...Ainsi va le monde. Quant au sort de la Vérité, dans notre pauvre pays, à l'heure actuelle, advienne ce que pourra, et bon courage aux femmes et aux hommes de bonne volonté.
 
 
 

On peut lire d'autres arguments d'Elisabeth Roudinesco ici.
 
 

        Les internautes qui suivent avec intérêt cette guerre des psys depuis quelques années ou même depuis quelques mois, auront sans aucun doute fini par remarquer l'extraordinaire pouvoir de décision de Madame Roudinesco et la place qu'elle occupe dans les médias de toute sorte. Cette dame n'a qu'à claquer des doigts, et la télévision, les journaux,  les radios,  les plus en vue déroulent le tapis rouge.
A bien y réfléchir, on se demande s'il est bon pour la démocratie, ou, en tout cas, pour l'idée que nous nous en faisons, qu'un tel pouvoir sur l'information et sur la vérité, soit détenu par une seule personne, qui ne fait partie, de surcroît, d'aucun organisme d'Etat.
L'article 1 des Droits de l'Homme et du Citoyen, (article philosophiquement très libéral-utilitariste), stipule que : "Les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits. Les distinctions sociales ne pouvant être  fondées que sur l'Utilité Publique".
Mais il est légitime de supposer que les "distinctions sociales" dont parle l'article 1, ne doivent être  accordées qu'à des personnes dont le statut est juridiquement fixé par la loi. C'est sans doute la raison pour laquelle, un homme d'Etat "a le droit" de faire escorter sa voiture par des motards de la Gendarmerie et de faire conduire son véhicule à grande vitesse, si le "bien de l'Etat" l'exige...(?), et il existe, bien entendu, une foule d'autres exemples de ce type.
La question que je soulève, encore une fois, on l'aura compris, c'est : pourquoi accorder autant de pouvoir d'expression et donc de décision à une seule personne civile, telle que Madame Elisabeth Roudinesco ? En étendant un peu ma question à la cause de la psychanalyse, on peut se demander, pourquoi, des journaux comme l'Express, et, l'Humanité, ne laissent s'exprimer dans leurs tribunes prétendument "libres", qu'une partie des opposants dans la guerre des psys, c'est-à-dire les psychanalystes ? On se réfèrera à l'article délirant de Roland Gori qui s'intitule : "Ces mages noirs qui rêvent d'enterrer la psychanalyse" (sic). Des "mages noirs ?...", on a presque envie de rire ! Cela ressemble à une exhortation à ne pas lire les livres qui s'opposent au freudisme et à les brûler dans une immense autodafé. Nous devrions donc enfoncer, de nous-mêmes, la tête dans le sable et ne pas faire fonctionner notre indépendance d'esprit et notre propre jugement critique sur le contenu de ce livre Noir ?
Ces gens ne sont pas des démocrates. Et il n'y a pas de tribunes, qui seraient "libres" et démocratiques sans refléter toutes les opinions en présence sur un problème. Car, comme l'explique Popper, un système dictatorial et totalitaire ne peut tolérer les opposants à la doctrine imposée à tous. Il y a eu des goulags pour les opposants aux marxisme vulgaire, il y a eu des millions de morts. Et l'erreur fondamentale de Karl Marx, est d'avoir cru que l'instauration d'une dictature du prolétariat entraînerait la fin de tout conflit social et politique, car cette façon de voir les choses implique aussi la fin de la démocratie qui suppose nécessairement l'existence des conflits politiques et rejette un système à parti unique.
On nous rétorquera que les partisans des TCC veulent imposer, eux aussi, leur pensée unique en évinçant la psychanalyse de la place prépondérante qu'elle occupe dans la Société française. Cette vision des choses me semble erronnée, car  les critiques parfaitement fondées de la psychanalyse et qui auraient du signer son arrêt de mort, existent depuis bien plus longtemps que les TCC n'aient atteint le niveau de développement et de médiatisation qu'on leur connait aujourd'hui. Il ne s'agit donc pas d'un conflit qui a son origine dans une simple et destructrice lutte de clochers.
Mais  les partisans des TCC ont repris pour leur compte, dans Le Livre Noir,  les arguments les plus dévastateurs contre le freudisme et la psychanalyse, c'est-à-dire les arguments épistémologiques, historiographiques, et, bien sûr, thérapeutiques.
Et c'est là qu'intervient, une nouvelle fois, Madame Roudinesco et ses partisans, avec sa méthode de l'amalgame. Il devient facile pour elle de  faire croire que les "Freud scholars" tels qu'Adolf Grünbaum, Han Israëls, Mikkel Borch-Jacobsen, Frank Sulloway, Allen Esterson, Franck Cioffi, et j'en passe, ne peuvent faire un travail scientifiquement impartial et objectif dans leurs critiques à l'acide de la psychanalyse et du freudisme, et "qu'ils travaillent pour les TCC". Bref, qu'ils sont les rouages de ce que Madame Roudinesco nomme "une machine de guerre contre la psychanalyse". Bien sûr, un auteur comme Jacques Bénesteau, psychologie clinicien, enseignant la psychologie, et, notamment, la neuropsychologie , se situe dans le camp des Freud Scholars. Mais, à lire le livre de Jacques Bénesteau, "Mensonges freudiens", on constate que par la masse des arguments fournis, des démonstrations, des explications, tous étayés, à profusion,  par des références à des documents historiographiques vérifiables, il ne peut que difficilement faire l'objet d'une critique d'un manque de lucidité et d'honnêteté dans son exposé du freudisme.

La situation de Madame Roudinesco dans ce conflit, les possibilités d'expression et de décision dont elle dispose, sont, à mon sens, irrecevables dans une démocratie.  Il suffit de constater qu'aucun autre corps de métier dans l'Hexagone, n'a de représentant qui puisse profiter d'une aussi  large  présence dans les médias, pour, justement, se rendre compte qu'il y a quelque chose d'anormal ; c'est-à-dire que les  psychanalystes jouissent d'une situation nettement privilégiée et disproportionnée par rapport aux autres corps de métier, ou même aux autres professionnels de la santé mentale ! Cette situation si particulière étant, bien entendu, la preuve que le freudisme et la psychanalyse ont acquis le statut de pensée unique au détriment des autres. Et Madame Roudinesco entend tout faire pour maintenir cet intolérable statu quo.
Je pense que la  prise de conscience de cette  situation aurait pu être faite, depuis longtemps, par la plupart des médias, qui ont, à tout crin, accueilli Madame Roudinesco et les psychanalystes, pour parler de tout et n'importe quoi au sujet des problèmes de notre société. C'est-à-dire pour leur permettre de conditionner et de dresser la société à leur mode de pensée  (le symbolisme, l'analogie, l'évidence, l'induction...), leurs concepts creux, et leurs mirobolantes interprétations sur tous nos maux. C'est le cas de le dire, en France il y a deux langues "nationales" : le français, et le freudien ! (le lacanien, trop abscon, est devenu une langue morte après avoir été une langue de bois).

Il ne s'agit pas, en dernier ressort, de faire taire les psychanalystes par un moyen autoritaire, ou de les censurer, comme ils ont fait censurer le rapport de l'INSERM sur les psychothérapies. Il s'agit de faire accepter et de faire comprendre, que la recherche de la Vérité exige logiquement le rationnalisme critique, c'est-à-dire, d'abord le pluralisme des idées, ensuite l'organisation, la création de tribunes permettant aux différents théoriciens et praticiens en opposition, de confronter leurs arguments sur la place publique, afin que les usagers soient  informés  sur toutes les positions en présence, et non pas sur une seule ligne de pensée.
Dans le cas contraire, certains journaux, à l'heure actuelle, n'ont rien à envier à ce que fut "La Pravda" en Union Soviétique. Ils ne font plus de l'information d'Utilité Publique sur les théories et les thérapies qui touchent à la santé mentale, ils participent à la désinformation en faveur de la pensée unique dominante : la psychanalyse.

Soyons responsables et courageux : mettons fin à la méthode de la pensée unique et à ses corollaires. Osons le rationnalisme critique, et parions sur le fait, que loin d'avoir fait taire les freudiens par un moyen autoritaire et anti-démocratique, ces derniers se trouveront contraints au silence devant la publicité rendue accessible à tous, de leurs mensonges, de leur esprit sectaire et fanatique, et de l'imposture de leur discipline.

Notre seul espoir, est de parier sur l'indépendance d'esprit, le jugement critique, et le courage intellectuel du public,  non encore informé sur les vérités que l'on étouffe ou que l'on détourne sur la psychanalyse dans ce pays. Ce n'est qu'au prix de ces coûteuses qualités, que la Vérité reprendra ses droits.
 
 

Patrice Van den Reysen.
 

P.S. : ah...j'oubliais ! Un dernier mot destiné à ceux et celles qui, dans leurs travaux d'investigation et d'information pour la recherche et la présentation de la Vérité, se sont crus pouvoir à la fois être juge et partie :
En suivant l'aphorisme de Jacques Bénesteau :

"La science n'a pas encore révélé le siège de la conscience morale. Certes. Mais à l'évidence, on peut s'asseoir dessus."


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