Démocratie, élitisme et égalitarisme dans l'École.
(Modifié le 25/08/2004).


 
    Ce n'est pas exactement le slogan prôné par nos jeunologues dans "l'air du Temps". En tout cas ceux-ci ont revendiqué plus de démocratie dans l'École, voire la démocratie tout court, au moins en ce qui concerne les rapports maîtres élèves.
    Je pense que cette idée est absurde, qu'elle est pure démagogie, et même qu'elle peut mener à des conséquences tout à fait absurdes et contradictoires. Comme le démontre un internaute qui a préféré conserver l'anonymat, le rapport maître élève est essentiellement anti-démocratique puisque dans une démocratie tous les citoyens sont supposés avoir un égal accès au Savoir, alors qu'au sein d'un établissement scolaire il est logiquement impossible que les élèves en sachent autant que le maître ce qui les place d'entrée de jeu dans un rapport de dominés à dominant. On peut toujours nier certaines traditions de connaissances, ou tenter de valider d'autres "savoirs" qui n'ont légitimement rien à faire dans l'École et qui répondent mieux "à ce que les élèves attendent" (...) pour donner l'illusion de gommer cette différence entre maîtres et élèves tout en montrant que le système "s'adapte" à ce qui est présenté comme les "besoins" des intéressés. On peut aussi parvenir à détruire tout ce qui peut objectivement fonder l'autorité des maîtres, en édulcorant  l'idée de discipline, d'ordre, d'organisation, en galvaudant jusqu'à l'outrance l'idée de communication, du "relationnel", en psychologisant ou en surintellectualisant les causes des déviances. Bref, on peut tout mettre en oeuvre pour déculpabiliser l'élève au sujet de certaines déviances ou échecs, et pour culpabiliser les maîtres incompétents en matière de verbiage psychopédagogique.
    Imaginons maintenant une des conséquences absurdes de cette idée que l'École doit devenir un lieu de démocratie. Si dans une démocratie chacun, peut, ne serait-ce que par son vote, participer au gouvernement de la Cité (Péricles), il ne reste plus qu'à faire élire des représentants d'élèves, un "gouvernement d'élèves", qui déciderait de façon autonome des contenus à enseigner ! Une telle démocratie n'irait pas bien loin et serait continuellement contredite dans son principe de fonctionnement  puisque le "gouvernement élu" aurait sans arrêt besoin d'avis nettement plus expérimentés pour prendre les décisions les plus importantes et ne pourrait, de ce fait, se soustraire à une dépendance "extérieure". La situation deviendrait absurde parce que les élèves ne connaissent pas la Tradition. Je veux dire qu'ils (eux ou même leurs parents dans la plupart des cas) ne peuvent connaître aussi bien que les enseignants les grandes traditions de connaissances, comprendre pourquoi et comment elles ont évolué pour parvenir au stade de connaissances constituées où elles se trouvent aujourd'hui. De ce fait, ils sont nécessairement et fondamentalement incompétents pour déduire les énoncés de contenus d'enseignements les mieux appropriés à leurs réels besoins de formation. On objectera, comme je l'ai évoqué plus haut, que nous n'avons qu'à laisser les élèves et leurs parents décider de ce qui est bon pour eux, de ce qui correspond le mieux à leurs attentes, leurs désirs, à leur bon plaisir...Mais tout cela laisserait ouverte la possibilité de ne choisir que les contenus d'enseignement sensés correspondre au mieux à certaines motivations quitte à jeter par-dessus bord des éléments constitutifs de nos traditions et de notre Culture, et à quelles fins ?

    Une Société qui ne veut pas régresser culturellement ne peut se permettre de telles méthodes, de telles négociations avec ceux dont elle a la responsabilité et la prétention de former, et des choix récurrents pour son système éducatif. Les anciens doivent transmettre les connaissances acquises aux jeunes générations parce que rien ne justifie que nous perdions la plupart de ces connaissances qui, petit-à-petit, ont permis la construction de notre culture.

    Et si nous voulons perpétuer le progrès et l'enrichissement culturel, notre système éducatif ne peut éviter d'organiser la formation d'individus capables de faire progresser les connaissances du plus haut niveau, c'est-à-dire les connaissances qui contiennent en elles-mêmes, et dans leur domaine, la plus grande partie possible du "savoir universel déjà acquis", car c'est ce type particulier de connaissances qui permet le progrès culturel, mais aussi technologique, social et humain.

    Nous avons donc absolument besoin d'élites...de plus en plus savantes et performantes, parce que pour l'homme, les problèmes se compliquent de plus en plus, et la résolution des problèmes les plus complexes comme ceux exigeant des investigations scientifiques, nécessitent des compétences que seule une minorité d'individus est capable d'acquérir.
    "Les problèmes se compliquent de plus en plus" avons-nous écrit plus haut. La preuve en est que les connaissances scientifiques qui ont du être nécessaires pour expliquer les problèmes auxquels l'homme a été confronté par le passé (dans n'importe quel domaine), ont progressé vers des contenus informatifs toujours plus riches : nous percevons toujours davantage de contenu dans les problèmes et davantage de problèmes parce que nous disposons de théories qui elles-mêmes évoluent dans le sens où elles nous permettent l'observation de ces nouveaux problèmes en nous engageant à nous poser des questions inédites sur le monde.
    Quand nos connaissances scientifiques progressent, elles modifient notre vision du monde. Ces connaissances créent de nouveaux problèmes, parce qu'elles parviennent en résistant aux tests les plus sévères connus et déduits des tests antérieurs, à interdire toujours plus d'événements empiriques possibles tout en étant capables de prédire de nouveaux faits par rapport à des connaissances concurrentes. Ce sont ces progrès, qui se caractérisent par l'enrichissement des contenus informatifs de nos théories scientifiques, qui nous conduisent inévitablement à voir de nouveaux problèmes pour lesquels nous restions aveugles avec nos anciennes théories plus pauvres en contenu corroboré, parce que l'homme est toujours attiré par la recherche des moyens lui permettant d'améliorer ses conditions de vie dans sa "niche écologique".
    S'il y avait de moins en moins de problèmes à résoudre, c'est que certaines sciences stagneraient ou disparaîtraient, par l'abandon de la quête de la Vérité. Si nous percevions moins de problèmes nouveaux, ce serait l'indice d'une stagnation de la "Culture", voire les prémisses de sa régression.
    Certes, dans ne nombreux cas, la corroboration des théories scientifiques a pour effet de rendre les choses plus faciles dans divers domaines de la vie courante, en éliminant ou en réduisant certains problèmes pratiques. Mais il est clair, comme nous l'avons démontré plus haut, que l'enrichissement des connaissances scientifiques, entraîne logiquement un enrichissement des cadres de référence théoriques, suscitant de nouvelles expectatives et des attentes, donc l'imagination de nouvelles questions liées à de nouvelles aspirations à mieux contrôler le monde. (Nous sommes irrésistiblement attirés par cette quête du pouvoir sur notre Monde dès lors que nous sentons que nous disposons des moyens pour la réaliser). Ensuite, en réponse à ces questions, émergent de nouvelles solutions et possibilités d'action au plan technologique, puis de nouveaux problèmes (parce qu'il est impossible de prédire à l'avance toutes les conséquences théoriques et pratiques qu'auront certaines avancées technologiques), lesquels engendrent à leur tour des investigations scientifiques inédites pour leur résolution, dont l'issue nous ramène à la situation initiale où nos connaissances se trouvent enrichies... C'est bien sûr aux différents stades de ce processus complexe (conception, investigation, amélioration des connaissances, puis contrôle des mises en oeuvre éventuelles et bilans) que les élites intellectuelles doivent pouvoir jouer leur rôle.

    Les élites sont donc vitales et inévitables dans une société libre qui veut progresser. Elles sont vitales pour les raisons décrites plus haut, et elles sont inévitables dans les sociétés qui permettent et favorisent l'émergence et l'épanouissement des différences innées et acquises entre les individus, (certes au détriment de conceptions égalitaristes totalisantes ou démagogiques).
    Les régimes politiques totalitaires qui ont tenté de supprimer les élites ont conduit à de graves régressions sur le plan culturel et humain, quand ce n'est pas au chaos. Du reste, ces régimes autoritaires ont eux-mêmes du avoir recours, tôt ou tard à des élites, ne serait-ce que pour concevoir leur appareil d'oppression et de répression, ou même pour prouver la prétendue valeur "humaine" de leurs idéologies par le biais de leurs élites sportives. Il est par ailleurs curieux de constater que c'est dans le régime qui se voulait le plus utopiquement égalitaire entre les "classes" (si la dictature du prolétariat représentait un des buts de la "lutte finale", tout individu, de l'ingénieur à l'ouvrier était considéré comme un "travailleur" devant s'identifier au Parti) comme le régime communiste de l'ex-Union Soviétique, que s'est développé une des élites les plus abjecte et révoltante qui soit : la fameuse "Nomenklatura" qui n'était constituée que d'individus membres du Parti Communiste, privilégiés, avides de pouvoir et de biens de consommation demeurant inaccessibles au reste de la population soviétique. L'existence de cette Nomenklatura, (élite très particulière et très différente des élites intellectuelles auxquelles nous pensons et qui sont constituées d'individus destinés à l'amélioration du bonheur commun), n'est qu'un exemple parmi tant d'autres d'aberrations paradoxales engendrées par des idéologies utopistes comme le marxisme. Mais le cas de la Nomenklatura démontre aussi que même si des élites apparaissent toujours sous une forme quelconque, il relève de notre responsabilité d'empêcher qu'elles puissent naître et exister sous une forme qui nuise à l'ensemble de la société et à son progrès, en améliorant la maîtrise et le contrôle de nos institutions. Une conception du progrès social fondée sur l'élitisme ne peut donc se passer de la vigilance critique sur certaines de ses conséquences indésirables comme la corruption ou l'accaparation du pouvoir. Dans le cas contraire on peut dire avec Karl Popper que "comme problème politique pratique, le problème de l'élite est parfaitement insoluble. Dans les faits on ne peut jamais distinguer l'élite de la clique". (In : Karl Popper. "A la recherche d'un monde meilleur". Edition du Rocher. page 14).

          Nous aimerions souligner que nous ne pensons pas que les élites soient toutes intrinsèquement bonnes ou utiles, ni même que la doctrine de l'élitisme en général ne soit pas discutable dans son contenu, même sévêrement comme le fit Karl Popper par exemple, ou exempte de problèmes de justification. Est-il si facile de définir exactement ce qu'est une "élite" ? quels sont les critères de l'élitisme ? Dans les faits, le pouvoir appartient-il toujours aux élites et les élites jouent-elles toujours un rôle de premier plan dans ce que l'on pourrait nommer de manière vague : "le progrès culturel, social et humain ? Toutes ces questions démontrent que le problème de l'élitisme est loin d'être simple. Mais contrairement à Popper avec lequel nous divergeons au sujet de la doctrine de l'élitisme, qui considère que l'élitisme est un mythe, nous prenons position pour la thèse selon laquelle l'histoire de l'humanité confirme le plus souvent que les grandes avancées scientifiques, les solutions aux problèmes les plus complexes et les plus urgents qu'ils soient d'ordre pratique ou théorique sont, dans la majorité des cas, le fait d'individus aux qualités hors normes : que serait notre vie aujourd'hui s'il n'y avait eu Socrate, Platon, Kant, Popper, Einstein, ou les grands écrivains, les grands musiciens, mais aussi hélas les tyrans et les dictateurs et les intellectuels qui par leurs idées ont inspiré leurs actes les plus effroyables ?

    Par cette réflexion sur l'élitisme nous ne voulons pas défendre l'idée selon laquelle ce sont des élites ou une élite particulière qui doivent forcément prendre le pouvoir politique dans une société démocratique. Autrement dit que le pouvoir doit être, par avance, réservé aux élites, même si, dans les faits, on constate que ce sont presque toujours des individus supposés capables d'appréhender et de résoudre les problèmes politiques les plus complexes qui finissent par accéder au sphères du pouvoir. Nous considérons que penser que ce sont les élites qui doivent gouverner renvoie à un mauvais questionnement en matière de théorie politique : la question "qui doit gouverner ?" doit, comme le démontre Popper, être remplacée par la question : "quelles sont les formes de gouvernement qui permettent de se débarrasser des gouvernants incompétents ou corrompus sans effusion de sang ?" En effet si l'on suppose que c'est l'élite des sages qui doit prendre le pouvoir, qui tranchera alors entre la sagesse et la non-sagesse ? (Popper) Et, de ce fait, qui nous permettra de nous débarrasser des "mauvais sages" ? Il en va pratiquement de même avec le problème de la parité hommes-femmes dans un gouvernement. En effet nous pensons qu'il est une erreur de croire que ce serait une solution plus démocratique, ou plus équitable voire plus égalitaire dans les rapports entre les hommes et les femmes si l'on pouvait assurer que les femmes puissent prendre part, systématiquement à disons 50% du pouvoir par rapport aux hommes. Il n'est pas du tout certain non plus que ce soit une solution plus "utile", dans le sens ou ce mot est utilisé par les libéraux partisans de l'utilitarisme, puisque rien ne garantit, à priori, que 50% d'hommes et 50% de femmes au pouvoir conduirait à plus de bonheur pour la collectivité que , par exemple, 60% d'hommes et 40% de femmes, ou l'inverse, et ainsi de suite...Le problème de la parité, à ce niveau, est encore une fois un faux problème issu de représentations erronées sur la finalité de la démocratie. Comme nous l'avons déjà dit, en nous appuyant sur un argument de Popper, l'important pour une démocratie n'est pas qu'il y est au pouvoir un certain pourcentage d'hommes et un certain pourcentage de femmes, ce n'est pas cela qui devrait focaliser l'attention, l'important est qu'il y est au pouvoir le pourcentage le plus faible possible de gens incompétents ou corrompus. Peu importe si nous avons 100% de femmes au pouvoir du moment que ces personnes soient les plus compétentes possible et les moins corrompues possible. Finalement le discours sur la parité risque de n'avoir que des conséquences indésirables, c'est-à-dire des conséquences sexistes provoquées par ce qui n'est au fond rien de plus qu'une idée de départ fondée sur la démagogie envers les femmes et qui ne peut constituer en une amélioration de la démocratie.
    Notre réflexion sur les élites (hommes ou femmes) tente de faire accepter que leur émergence (de toutes sortes) est une quasi-loi de la nature humaine : il y a toujours eu et il y aura toujours des personnes qui par leur talents personnels parviennent à se hisser au-dessus des autres et à influer plus que les autres sur le cours des choses, dans leur domaine. Nous pensons qu'il est utopique et même dangereux que de vouloir s'opposer à ce phénomène des élites, et qu'au lieu de le combattre au nom de prétendues valeurs égalitaristes, nous devons, si nous voulons préserver la démocratie, tout faire pour favoriser l'émergence des "bonnes" élites et tout faire pour contrôler voire empêcher l'émergence des "mauvaises".

    Il est maintenant plus facile d'accepter le fait qu'il est pratiquement impossible et utopique de se passer d'élites dont la fonction est d'appréhender et de résoudre les problèmes les plus complexes auxquels est continuellement confrontée une société d'hommes libres. La résolution de ces problèmes étant, bien sûr, incontournable pour toute forme de progrès que l'on espère orientée vers de plus en plus de bonheur pour le genre humain. Quoiqu'il reste impossible de prophétiser avec succès le "progrès de la Société" ou le contraire. La fonction et la finalité des élites est donc essentiellement utilitaire(ce terme concerne la doctrine libérale utilitariste de Jérémy Bentham et John Stuart Mill selon lesquels la recherche du bonheur individuel n'est pas contradictoire avec le soucis du bonheur collectif car les deux sont inséparables; en effet, il n'existe pas de critère objectif du Bien et du Mal du bon et du mauvais, mais l'expérience nous enseigne ce qui est utile donc bon; ainsi la fraternité est utile aux humains). "(...) le seul critère pour distinguer les bonnes lois et bonnes institutions des mauvaises (le critère qui l'emporte sur tout autre en cas de conflit) est le bonheur qu'elles tendent à occasionner à la communauté. C'est la doctrine appelée "utilitarisme" ou "principe d'utilité publique" ou, en plus court, "principe d'utilité". (In : Francisco Vergara. "Les fondements philosophiques du libéralisme". Editions La Découverte. Poche. 2002. Page : 13).
    Contrairement à une idée reçue et démagogique, l'existence d'élites ne constitue pas nécessairement une sorte de déni de démocratie (sauf dans un cas comme la Nomenklatura, décrit plus haut), à moins d'amalgamer le fait de faire partie d'une élite avec celui de bénéficier de certains privilèges acquis de manière injuste par rapport aux autres franges de la société. Sans doute certains ne supportent ils pas des différences dans les aptitudes innées, comme l'intelligence, ou la volonté, le courage, (lesquelles ne sont pas forcément entièrement innées), etc. qui peuvent être mises en exergue lors de concours de recrutement. Mais les choses sont ainsi : certes, on peut toujours décréter que nous "naissons et demeurons libres et égaux en droits", mais il est indiscutable que les hommes ne naissent (et demeurent) pas égaux, et que leurs motivations ainsi que leurs capacités face aux problèmes qu'ils rencontrent dans une vie sont inégales, sinon j'aurais été un grand philosophe ou l'égal Carl Lewis. Ceci est une des raisons pour lesquelles je suis farouchement contre un autre aspect qui concerne l'utopie d'une Ecole plus démocratique, ou en tout cas qui me semble y être apparentée, c'est l'idée de l'unification des corps d'enseignants. En effet, une véritable démocratie, doit selon moi, permettre à chacun de trouver les satisfactions et les gratifications qui correspondent à ses capacités réelles et à ses efforts, grâce à sa volonté, son courage, et son intelligence (nous considérons que ce que nous nommons "gratifications" et "satisfactions" sont les sentiments positifs et valorisants que l'on peut tirer à se voir confier des responsabilités qui requièrent la résolution des problèmes les plus complexes et les plus difficiles, ainsi que les salaires et la reconnaissance sociale qui peuvent aussi en résulter. Car exeption faite de la nécessité de subvenir à ses propres besoins, peu de gens aiment accomplir les tâches les plus pénibles ou encore celles qui offrent les salaires et la reconnaissance sociale les plus bas. Mais on peut toujours dire, avec raison : "qu'il n'y a pas de sot métier, il n'y a que de sottes gens").
    Par conséquent, une authentique démocratie doit permettre l'émergence et l'épanouissement des élites, et les idéologies comme le marxisme vulgaire (le communisme) se sont révélées frauduleusement égalitaristes et totalisantes, puis en contradiction avec les principes fondamentaux de la Démocratie.
    L'égalitarisme ne signifie pas nécessairement plus d'équité dans la répartition des gratifications accessibles en Société, lesquelles ne devraient jamais, en démocratie, être réparties ou distribuées autoritairement par un quelconque type de gouvernement, ou organisation, mais seulement rendues plus ou moins accessibles par le biais de concours ou d'examens ouverts à tous, dont la Démocratie assume de garantir l'impartialité et l'honnêteté en corrigeant sans cesse les inévitables imperfections dont ils peuvent être l'objet.

    Nous devons donc tout faire pour transmettre à nos futures élites les connaissances acquises, et être en mesure d'évaluer de manière toujours plus sévère l'acquisition des connaissances, parce que le niveau de sévérité de nos évaluations doit logiquement suivre le niveau des connaissances à évaluer. Les jeunes doivent d'abord profiter des connaissances acquises et transmises par leurs aînés, puis il incombe aux jeunes générations, à leur tour, de les faire progresser, et non de faire table rase, donc d'en savoir toujours plus pour pouvoir participer à la Société et contribuer au bien commun. Ceci signifie que nous n'avons pas à faire régresser nos pratiques d'évaluation ou à les édulcorer sous prétexte que cela ne correspond plus au niveau des élèves : une telle analyse est d'une scandaleuse irresponsabilité si l'on tient compte de la logique d'argumentation qui précède. Il est, par exemple,  dramatique de constater que le niveau en mathématiques a baissé pour le concours de recrutement à l'École Polytechnique, depuis la création de l'École, ou même que l'on ne propose plus qu'une dictée de 5 lignes au Brevet des Collèges de l'an 2000 et que cet énorme scandale se perpétue pour le Brevet de 2002 !
    Par ailleurs, le rapport maître élève ne peut être démocratique à un moment clé de la formation : l'évaluation. Il n'est que de constater, par exemple, les tentatives de tricheries, la partialité et le manque de compétence manifestes lorsque l'on tente de confier aux élèves une tâche d'évaluation ou de co-évaluation. Ceci ne signifie pas qu'il faille rejeter systématiquement les tâches de co-évaluation, cela implique que ces tâches doivent toujours en premier lieu être imposées par un enseignant et ensuite être contrôlables par lui (processus, on s'en rend compte, fondamentalement anti-démocratique dans son principe).

    Non, l'École ce n'est pas la Démocratie, et cela ne doit pas le devenir. Il faut maintenir une différence importante entre maîtres et élèves. Car c'est par cette inégalité de rapport constamment maintenue que reste logiquement possible la proposition des meilleurs contenus d'enseignement par ceux-là même qui sont les plus compétents pour réaliser cette opération : les enseignants (et les chercheurs). Ensuite, lors de l'acquisition de ces contenus qui peuvent atteindre un niveau maximal de complexité et de difficulté, se distingueront les élites intellectuelles dont dépendront dans une très large mesure l'amélioration indispensable de nos connaissances scientifiques permettant d'accroître notre maîtrise du Monde et par conséquent notre liberté d'action et notre bonheur.

 
Patrice VAN DEN REYSEN.

Un autre texte sur l'élitisme : "Elitisme démocratique ou populisme scolaire ?" par Fabrice Guillaumie

Retour